Des députés vont enquêter pendant six mois sur le port de la burqa ou du niqab en France, pour tenter de cerner l'ampleur d'un phénomène vigoureusement condamné lundi par le président Nicolas Sarkozy.

La mission parlementaire, comprenant 32 députés de tous bords politiques, sera mise en place en juillet, a annoncé mardi le président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer. Son rôle, purement informatif, est de susciter «échange et dialogue» autour de ce sujet.

La question du voile islamique intégral, recouvrant tête, visage et corps des femmes, a fait irruption la semaine dernière dans le débat public en France avec la proposition d'un député communiste de créer une commission d'enquête.

Une soixantaine de députés avaient souscrit à ce projet, s'inquiétant d'un phénomène selon eux visiblement en augmentation dans la périphérie des grandes villes, comme Paris et Lyon.

Aucun chiffre ou rapport sur le nombre de femmes voilées intégralement n'est disponible en France, mais le phénomène reste «marginal», selon des spécialistes et les organisations musulmanes, qui plaident pour «la pédagogie et l'éducation».

L'annonce de la création de la mission parlementaire intervient au lendemain de propos très fermes du président Sarkozy. Celui-ci a déclaré devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles que la burqa «n'était pas la bienvenue sur le territoire de la République».

Le voile intégral «n'est pas un signe religieux, c'est un signe d'asservissement, un signe d'abaissement» de la femme, a affirmé M. Sarkozy.

«Nous ne pouvons pas accepter dans notre pays des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité. Ce n'est pas l'idée que nous nous faisons de la dignité de la femme», a-t-il insisté.

Il a cependant incité à «ne pas se tromper de combat» et souligné que la religion musulmane devait «être autant respectée que les autres religions». M. Sarkozy ne s'est pas prononcé non plus sur l'opportunité d'interdire la burqa par la loi, hypothèse envisagée par le porte-parole du gouvernement la semaine dernière.

Car le sujet est sensible. Il divise, y compris au sein de la majorité présidentielle, les partisans d'une telle loi et ceux qui craignent une stigmatisation des musulmans, au nombre de 5 millions en France.

La question est «très difficile», a reconnu mardi le patron des députés UMP (majorité présidentielle) Jean-François Copé, se félicitant de la création de la mission parlementaire: «Je suis très heureux qu'on n'ait pas eu, pour une fois, ce mauvais réflexe de vouloir trouver la solution par la loi», a-t-il dit.

L'organisation de défense de droits de l'homme Human Rights Watch (HWR) a estimé que l'éventuelle interdiction en France du voile islamique intégral «violerait les droits humains».

«Cela ne fera que stigmatiser et marginaliser les femmes qui la portent. La liberté d'exprimer sa religion et la liberté de conscience sont des droits fondamentaux», a déclaré HRW dans un communiqué.

La France, où le sujet de la laïcité est explosif, est le seul pays d'Europe à avoir interdit par la loi, en 2004, le port du foulard islamique (qui ne recouvre que la tête) à l'école, après un débat passionnel. Il s'était alors agi d'interdire «les signes religieux ostentatoires» dans les établissements scolaires.