La «journée blanche» organisée vendredi en France a connu un point d'orgue avec le déversement en début d'après-midi de deux à trois millions de litres de lait, selon les sources, par des agriculteurs en colère sur la commune d'Ardevon (Manche), avec le mont Saint-Michel en toile de fond.

«Choqué» par tout ce lait perdu, tout en comprenant le «désespoir» des éleveurs, le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a reçu vendredi matin les organisations patronales du secteur (producteurs, industriels, et coopératives). Il accueillera samedi matin les organisations syndicales (FNSEA, CNJA, Confédération paysanne et Coordination rurale), puis recevra les représentants des banques et des assurances lundi. Une table ronde générale est prévue le 1er octobre prochain. Cette nouvelle journée de protestation a été organisée par l'Association des producteurs de lait indépendants (APLI) et l'Organisation des producteurs de lait (OPL) pour exiger un relèvement du prix payé aux éleveurs et une réduction de 5% des quotas a donné lieu à des manifestations dans plusieurs autres départements, mais aussi en Allemagne et aux Pays-Bas.

On indiquait de source policière qu'entre 10 et 11 millions de litres avaient été déversés en milieu d'après-midi sur le territoire français.

Près de 200 000 litres de lait ont notamment été jetés sur des champs en Ille-et-Vilaine, selon la préfecture. Sur un mode plus humoristique, une douzaine d'éleveurs ont été «payer leurs traites avec la traite» en se présentant, bidons et bouteilles à la main, devant une agence du Crédit agricole de Ploudalmézeau (Finistère), a signalé la préfecture de Quimper.

Face au Mont Saint-Michel, les syndicats ont compté plus de 300 tracteurs et plus d'un millier de personnes. La préfecture ne parant que de 200 à 250 tracteurs, sans donner d'autres chiffres. Pascal Massol, président de l'APLI, a balayé les critiques sur le gaspillage d'une denrée alimentaire. «Nous sommes obligés de faire des choses anormales parce qu'on nous fait subir des choses qui ne sont pas recevables», a-t-il déclaré à l'Associated Press.

Les producteurs, venus des départements de la Manche, du Calvados, de l'Orne et d'Ille-et-Vilaine réclament un meilleur prix pour leur production laitière face à la chute des cours. «Ce que nous voulons, c'est un juste prix à 0,40 centimes le litre», a indiqué Nicolas Legentil, producteur à Brémoy (Calvados) et membre de l'APLI.

Selon M. Le Maire, la baisse d'approvisionnement des industriels du fait de la grève est «de l'ordre de 10%». «Intoxication scandaleuse!», a réagi M. Massol, selon qui «entre 40% et 50%» des producteurs suivent le mot d'ordre de son organisation. «J'espère que nous n'aurons pas à radicaliser le mouvement», a-t-il prévenu. La Coordination rurale, dont l'OPL est une branche, a annoncé une manifestation d'éleveurs français et allemands samedi à Strasbourg.

Jean-Michel Lemétayer, le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), qui est totalement opposé à la «grève du lait», a de son côté dénoncé sur Europe-1 la «politique ultra-libérale» conduite par la commissaire européenne à l'Agriculture Mariann Fisher Boel. Il a exhorté José Manuel Barroso, réélu à la tête de la Commission européenne, à nommer «un ou une autre commissaire» ayant «une autre vue de la politique agricole».

Mme Fischer Boel a proposé jeudi une série de mesures permettant aux Etats membres de l'Union européenne de venir en aide à leurs producteurs, mais elle reste opposée à toute intervention sur les quotas, dont la disparition est programmée pour 2015.