La monarchie n'existe plus, mais le fait semble avoir échappé au chef de l'État français, accusent les critiques du président Nicolas Sarkozy qui s'irritent de l'ascension météorique de son fils, Jean.

Le politicien de 23 ans et son puissant père se retrouvent au coeur d'une véritable tempête politico-médiatique depuis qu'il a été révélé la semaine dernière que le jeune homme doit prendre sous peu la tête de l'Établissement public de la Défense (EPAD).

 

Le conseil d'administration de l'organisme, qui chapeaute le plus grand quartier d'affaires d'Europe, doit normalement se réunir le 4 décembre pour confirmer la nomination du fils Sarkozy, rebaptisé «Prince Jean» par ses détracteurs.

La candidature du jeune homme, qui a été élu conseiller régional il y a peu, avec l'aide des réseaux politiques de son père, suscite une levée de boucliers qui s'étend jusqu'aux rangs de l'UMP, parti de la majorité.

Hier, lors de l'assemblée hebdomadaire des députés de la majorité, l'un d'eux a crié, avec ironie, qu'il devait y avoir «un problème de ressources humaines» dans la région pour que la direction de l'EPAD puisse être confiée à un individu ayant aussi peu d'expérience.

Voulant éviter un esclandre, le chef des parlementaires UMP, Jean-François Copé, a coupé court au débat, arguant qu'il fallait savoir «faire la différence entre ce qui relève de l'écume de l'actualité et ce qui relève de sujets de fond».

Le président Sarkozy, qui a lui-même présidé l'EPAD par le passé, a aussi cherché à écarter la crise en accusant les médias de s'intéresser à des sujets superficiels.

«Vous suivez les polémiques, parfois vous les précédez et moi, je dois suivre les réformes et résoudre les problèmes», a déclaré le chef d'État en se portant à la défense de son fils, qui poursuit des études en droit en marge de ses activités.

«Tout ce qui donne en pâture une personne, sans fondement, de façon excessive, ce n'est jamais bien», a-t-il martelé.

Un fils bien né

Les élus de gauche, Parti socialiste en tête, s'en donnent à coeur joie depuis quelques jours relativement au projet de nomination. «Dans la déclaration des droits de l'homme de 1789, il est écrit que les postes sont attribués selon les capacités et les mérites... Mais quel est le mérite de Jean Sarkozy, à part d'être le fils à papa?» demande l'un des élus du parti, Arnaud Montebourg.

Un autre ténor socialiste, Manuel Valls, accuse le «clan Sarkozy» de vouloir reprendre en main une des zones «les plus riches» du pays. Les médias ne sont pas en reste. Le directeur du quotidien Libération - qui s'amuse du fait que le jeune politicien marche «dans l'Epad de son père» - s'interroge sur l'émergence, en France, d'une «monarchie héréditaire».

«À considérer la carrière éclair de ce prince Jean, on doit bien admettre qu'il s'est surtout donné la peine de naître. Qui peut penser un instant que la nomination d'un garçon qui entre dans sa deuxième année de droit à la présidence d'un organisme chargé de gérer les milliards du quartier de la Défense doive tout à son mérite et rien à son patronyme?», demande Laurent Joffrin.

Sur l'internet, les commentaires fusent. Des résidants du secteur concerné ont notamment lancé une pétition dans laquelle ils demandent à Jean Sarkozy de «terminer ses études de droit et de faire quelques stages en entreprise» plutôt que de cibler la tête de l'EPAD.

Jean Sarkozy, dans une entrevue au quotidien Le Parisien, rétorque que les attaques dont il fait l'objet viennent surtout de la gauche et n'entament en rien sa détermination.

«Quand on fait ce métier, il faut s'y attendre, s'y préparer», souligne le jeune politicien, qui évoque son expérience des dernières années pour justifier sa candidature, dûment approuvée par son père.

«Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre d'années», soulignait il y a quelques jours le président sortant de l'EPAD, Patrick Devidjian, citant Corneille pour appuyer son successeur potentiel.