Le cannabis vient de faire une victime en Grande-Bretagne. L'expert David Nutt a été congédié de son rôle de conseiller gouvernemental la semaine dernière pour avoir suggéré que le chanvre est moins nocif que l'alcool et le tabac. Ce départ controversé inspire une révolte chez les scientifiques, qui craignent pour leur liberté intellectuelle.

Psychiatre et pharmacologue, David Nutt a mis le feu aux poudres en suggérant que le gouvernement se moquait des preuves scientifiques sur les effets bénins du chanvre. Il a donné son avis sur le cannabis dans un rapport publié par l'Université King's College.

 

Le Dr Nutt a aussi choqué en déclarant que l'équitation était «plus dangereuse que la consommation d'ecstasy». L'ex-président du conseil sur l'abus de drogue a défendu sa position à Sky News peu après son congédiement ainsi: «Mon comité était formé de 28 experts. Nous avons fait une analyse détaillée sur les effets du cannabis et de l'ecstasy, nous savons quels sont leurs dangers.»

Il cachait mal sa frustration face à Downing Street, le quartier général du premier ministre, qui a ignoré son avis scientifique pour durcir sa politique en 2008. Le Parti travailliste au pouvoir est soucieux de se montrer impitoyable face à la petite criminalité depuis quelques années, en partie pour plaire à la presse tabloïd.

Alan Johnson, ministre responsable du dossier des stupéfiants, s'est défendu d'avoir puni David Nutt pour ses opinions. «Il ne peut à la fois être notre conseiller et faire campagne contre notre politique face au cannabis. C'est une question de principe», a-t-il déclaré.

Cette guerre de mots a provoqué une onde de choc chez les scientifiques. Deux autres conseillers ont démissionné par solidarité. Pour sa part, le ministre Alan Johnson révise en ce moment l'efficacité du conseil.

Les deux parties vont se rencontrer mardi prochain pour tenter de dénouer la crise. En cas d'échec, d'autres départs pourraient suivre.

Des chercheurs s'inquiètent pour leur liberté intellectuelle. Ils demandent maintenant au gouvernement d'adhérer à des principes protégeant leur indépendance et leur réputation.

«Ce gouvernement manque de transparence, a expliqué à La Presse Colin Blakemore, qui préside un conseil scientifique. Dans le cas du chanvre, sa décision était prise avant même qu'il ne consulte ses experts, ce qui est très démoralisant pour les chercheurs qui font ce travail bénévolement.»

Cette discorde a bien sûr relancé le débat épineux sur le cannabis. Le système opaque de classement des drogues, allant de la catégorie «A» pour les drogues dures, à la catégorie «C» pour les drogues douces, est également remis en question.

De son côté, David Nutt ne semble pas vouloir disparaître des médias. Il propose de fonder un nouveau groupe de recherche indépendant. «C'est évident que les politiciens ne sont plus en phase avec le reste de la population concernant les drogues», a-t-il dit.