Des milliers de Français craquent pour un improbable «héros», Tony Musulin, qui se voit couvert d'éloges pour avoir réussi à détourner un camion qui transportait des millions d'euros.

L'homme de 39 ans, qui vivait jusqu'à la semaine dernière une vie discrète en banlieue de Lyon, fait l'objet d'un véritable culte sur le web depuis que ses hauts faits criminels ont été portés à l'attention de la population.

 

Plusieurs sites proposent depuis quelques jours des t-shirts à l'effigie du personnage, activement recherché par la police en France et ailleurs.

Dans Facebook, des groupes d'admirateurs se sont formés pour souligner les exploits de Tony Musulin, qui se voit notamment comparé à Tony Montana, le mafieux incarné par Al Pacino dans le film Scarface.

«L'ami no 1 de la France», comme il est décrit par un admirateur, travaillait comme convoyeur de fonds pour la société Loomis depuis une dizaine d'années.

Jeudi, il a pris la poudre d'escampette avec le fourgon dont il avait la garde pendant que ses collègues prenaient une pause. Le véhicule a été trouvé quelques heures plus tard, vide des 11 millions d'euros qu'il contenait. Hier, on a trouvé les trois quarts de la somme, abandonnés dans la région lyonnaise.

Mystérieuse Ferrari

Les autorités ont d'abord envisagé que des proches de Tony Musulin avaient été pris en otages pour le forcer à commettre son larcin. Mais l'enquête a révélé que l'homme vivait seul, sans femme ni enfants.

Les policiers ont acquis la certitude que l'homme avait préparé son coup de longue date en constatant qu'il avait vidé son appartement de ses draps et de tout papier dans les jours qui ont précédé la disparition du véhicule de Loomis.

«C'est une première en France. On a déjà vu des attaques avec des complicités internes, mais jamais un convoyeur», a déclaré le procureur au dossier, Xavier Richard, qui soupçonne Tony Musulin, d'origine serbe, d'avoir trouvé refuge dans un pays de l'Est.

Question d'ajouter au mystère, les autorités ont découvert que le fuyard avait retiré peu avant sa disparition une somme d'environ 100 000 répartie dans plusieurs comptes. Des proches ont déclaré depuis aux médias qu'il s'était porté acquéreur d'une Ferrari, déclarée volée il y a quelques mois, et qu'il était actionnaire d'une société immobilière.

Ces faits sont peu compatibles avec son salaire mensuel, de moins de 2000.

«Les voleurs sont ceux qu'il a volé»

Le ressentiment contre les institutions financières, qui ont recommencé à engranger de faramineux profits après avoir bénéficié des largesses de l'État, joue un large rôle dans la popularité du disparu.

«C'est un voleur, peut-être, mais tous les financiers et usuriers douteux qui s'en mettent plein les poches à la barbe du pauvre citoyen, ceux-là ne sont pas inquiétés par la police. Dans la catégorie voleur, je préfère le premier», écrit Roll sur le site du quotidien gratuit 20 minutes.

Luigi, sur le site du Figaro, voit dans l'acte du fuyard un juste retour de balancier: «Pendant des années, il a risqué sa peau pour un salaire modeste. Aujourd'hui, il risque sa liberté pour une fortune... Ce n'est pas du vol, c'est de la récupération. Les voleurs sont ceux qu'il a volés», souligne-t-il.

La singulière sympathie dont bénéficie Tony Musulin rappelle le traitement public accordé au négociant Jérôme Kerviel, de la Société générale, qui s'est retrouvé au banc des accusés pour avoir investi dans des positions périlleuses des sommes titanesques ayant entraîné une perte de près de 5 milliards de dollars.

Là encore heureux du bon tour joué aux milieux bancaires, des milliers d'internautes avaient écrit des messages de soutien au jeune homme, devenu vedette instantanée. Un club de plus de 1400 fans s'était rapidement formé sur Facebook pour saluer ses actions «géniales».

Jérôme Kerviel, qui affirme avoir agi avec l'appui de ses supérieurs, devrait avoir un procès en 2010. Il risque jusqu'à cinq ans de prison, soit deux de plus que Tony Musulin.

 

Photo AFP

Sur cette photo fournie par la police française, on voit les 9 millions d'euros récupérés.