La peine de mort sera-t-elle réintroduite en Russie, 13 ans après la dernière exécution? La Cour constitutionnelle tranchera demain, alors que le débat soulève les passions dans les milieux politiques. Une majorité de Russes soutient la peine capitale, mais l'establishment penche plutôt vers une abolition par étapes du châtiment suprême.

Le 2 septembre 1996, un homme a été exécuté d'une balle dans la nuque dans une prison russe. Il devenait le dernier condamné à mort exécuté dans ce pays à la forte tradition punitive.

 

Le débat sur la peine de mort redevient d'actualié en Russie pour une raison toute juridique. En 1999, la Cour constitutionnelle avait interdit les condamnations à mort tant que les procès avec jury ne seraient pas instaurés dans toutes les régions de la fédération. Le président Eltsine avait alors commué en peines de prison à vie ou de 25 ans de réclusion les sentences des 716 hommes (la peine de mort ne s'applique pas aux femmes en Russie) condamnés à être exécutés.

Le 1er janvier prochain, la Tchétchénie sera la dernière entité du pays à aller de l'avant avec les procès avec jury. La Cour constitutionnelle doit donc décider si elle prolonge le moratoire, efface définitivement ce châtiment du Code criminel, ou permet à nouveau condamnations et exécutions.

Selon un sondage du Centre panrusse d'étude de l'opinion publique mené le mois dernier, 56% des Russes sont favorables à la peine de mort, alors que 25% s'y opposent.

Condamnation d'innocents

Le président Dmitri Medvedev a fait, l'année dernière, connaître son penchant abolitionniste, alors qu'il présentait son programme de réforme judiciaire. L'actuel premier ministre Vladimir Poutine partage son opinion, même s'il n'a jamais fait de geste concret en ce sens lorsqu'il était président (1999-2008).

Défaillant et corrompu, le système de justice russe est fortement prédisposé à la condamnation d'innocents, plaident notamment les abolitionnistes. Lors d'une audience de la Cour constitutionnelle sur le sujet, la semaine dernière, le responsable des droits humains de la Fédération de Russie, Vladimir Loukine, a rappelé que le pays s'est engagé, en 1996, en adhérant au Conseil de l'Europe, à abolir la peine de mort.

Selon lui, cela «entraînera un assouplissement des moeurs, une montée de la tolérance et une hausse de la valeur de la vie humaine».

À l'époque des tsars, puis de la Russie communiste, l'État a usé à souhait de son monopole de la violence pour exécuter criminels et dissidents. Entre 1962 et 1990, quelque 24 000 personnes ont été fusillées en URSS. Lors des seules purges staliniennes de 1937-1938, ce nombre s'élevait à plus de 680 000, principalement sous motif de haute trahison.

Crimes contre les enfants

Les partisans de la peine de mort, comme la vice-présidente de la Douma (Chambre basse du Parlement), Lioubov Sliska, croient qu'elle devrait servir à punir les crimes contre les enfants, les personnes âgées et les criminels à cravate récidivistes.

«Il serait bien de demander à une mère dont la fillette a été violée et assassinée si elle est pour la peine de mort», ajoute son collègue député Stanislav Govorkhine, dans une entrevue au journal populaire Moskovski Komsomolets.

Selon ce député-réalisateur réputé, plutôt que de suivre les conseils de l'Europe, la Russie devrait prendre exemple sur les États-Unis et la Chine. «Personne n'a enlevé les échafaud là-bas et ça ne nuit pas. Même que ça aide peut-être à en faire des pays puissants, riches et développés.»