Les responsables de l'Union européenne se rendent vendredi à Kiev pour un sommet avec l'Ukraine avec l'intention de dire clairement leur mécontentement face à la lenteur des réformes dans le pays, sa dette croissante et ses crises politiques récurrentes.

En un an, l'atmosphère a radicalement changé dans les relations entre les pays européens et Kiev, à mesure que le pays de 45 millions d'habitants s'enfonçait dans les difficultés financières et les rivalités politiques.

À Paris, en septembre 2008, les Européens avaient proposé à l'Ukraine d'élaborer un accord d'association pour l'année suivante, cherchant ainsi à montrer leur volonté de rapprochement avec un pays fragilisé par le contrecoup du conflit en Géorgie. Il n'en sera rien vendredi, au grand dam de Kiev.

«L'Europe ne s'est pas pressée afin de ne pas apporter de l'eau au moulin de tel ou tel candidat à la présidentielle» ukrainienne du 17 janvier, souligne Vadim Karassiov, directeur de l'Institut des stratégies globales à Kiev.

Côté européen, le vent a tourné plutôt en direction de Moscou, avec qui l'Europe est en phase de dégel accéléré après les tensions autour de la Géorgie.

«Il est clair qu'il y a beaucoup de frustration parmi un grand nombre d'États de l'UE, si ce n'est tous» envers l'Ukraine, souligne Andrew Wilson, analyste au European Council on Foreign relations de Londres.

L'ex-république soviétique, sous perfusion des prêts internationaux car durement frappée par la crise économique, est au bord du dépôt de bilan. Cette situation inquiète les Européens car 80% du gaz russe qu'ils achètent - représentant lui-même un quart de leur gaz consommé - transite par ce pays.

En matière d'énergie, «l'Ukraine continue de faire n'importe quoi», estime Sacha Tessier-Stall, analyste au International Centre For Policy Studies de Kiev. À partir de janvier «on ne sait pas comment (le gouvernement) va faire» pour payer son gaz russe, «surtout si le FMI ne donne pas sa troisième tranche de crédit».

L'Ukraine a reçu il y a un an un prêt du FMI de 16,4 milliards de dollars. Mais le Fonds hésite à débourser la troisième tranche de ce crédit car le pays ne respecte pas ses conditions de rigueur et de réformes. Et de ce fait l'UE a gelé une aide de 600 millions d'euros.

À l'approche du scrutin présidentiel, le parlement ukrainien vient de voter une loi augmentant les dépenses sociales, que le pays risque d'être incapable de financer.

Tant les Européens que la communauté internationale attendent «qu'on retourne à l'État de droit, qu'on se débarrasse de la corruption» en Ukraine et «que les promesses électorales ne soient pas financées avec l'argent de la communauté internationale, du FMI et des contribuables européens», a récemment averti le secrétaire d'État français aux Affaires européennes, Pierre Lellouche.

L'amertume est aussi perceptible à Kiev. L'Ukraine est «la seule nation européenne avec des ambitions claires pour entrer dans l'UE qui n'a pas été ne serait-ce vaguement reconnue comme futur pays membre potentiel», s'est plaint le vice-ministre des Affaires étrangères, Konstantin Elesseev.

L'UE, conduite par sa présidence suédoise et la Commission européenne, devrait se borner à répéter vendredi que l'Ukraine est un «pays européen» qui «partage une histoire et des valeurs communes» avec les 27.

Mais sans offrir la moindre perspective d'adhésion à un pays qui, depuis la Révolution orange, cherche à se rapprocher tant de l'UE que de l'OTAN. Et dont le cap pourrait s'infléchir si le favori des sondages, le leader de l'opposition pro-russe Viktor Ianoukovitch, devait emporter les élections.