La France doit pouvoir accepter, «au cas par cas», la construction de nouveaux minarets mais les musulmans doivent respecter à la fois le caractère laïc du pays et ses racines chrétiennes en se gardant de toute «ostentation», a affirmé mardi le président Nicolas Sarkozy.

Nicolas Sarkozy entrait pour la première fois, par la publication d'une tribune dans le journal Le Monde, dans le débat lancé le 29 novembre par les Suisses. Ceux-ci avaient provoqué une onde de choc dans toute l'Europe en interdisant par référendum les minarets pour les nouvelles mosquées. «Peut-on répondre par oui ou par non à une question aussi compliquée, qui touche à des choses aussi profondes?», s'interroge Nicolas Sarkozy.

«Je suis convaincu que l'on ne peut que susciter des malentendus douloureux (...) en apportant une réponse aussi tranchée à un problème qui doit pouvoir être résolu au cas par cas dans le respect des convictions et des croyances de chacun», explique-t-il.

Il rend cependant hommage à la démocratie suisse, «plus ancienne que la nôtre», et stigmatise «les réactions excessives, parfois caricaturales» que le vote a provoquées en France.

La prise de position de Nicolas Sarkozy était très attendue. La votation suisse a suscité un malaise en France, au moment où le pouvoir organise un grand débat sur l'identité nationale qui, par beaucoup d'aspects, s'assimile à un débat sur l'immigration.

La France accueille la communauté musulmane la plus nombreuse d'Europe avec 5 à 6 millions de membres. Selon un sondage, une majorité relative des Français est opposée à la construction de nouveaux minarets, alors que ces édifices sont une soixantaine dans le pays.

Le gouvernement avance très prudemment sur cette question et a fait savoir qu'il n'était pas hostile aux minarets, à condition qu'ils s'intègrent de «façon raisonnable» dans l'environnement des villes.

Pour Nicolas Sarkozy, les cultes doivent se pratiquer en France avec une «humble discrétion».

«Chrétien, juif ou musulman, homme de foi, quelle que soit sa foi, croyant, quelle que soit sa croyance, chacun doit savoir se garder de toute ostentation et de toute provocation», ajoute Nicolas Sarkozy qui s'est prononcé à plusieurs reprises pour l'interdiction de la burqa en France.

La France a pour principe fondamental la laïcité, qui instaure une neutralité des pouvoirs publics à l'égard des religions et les confine à la seule sphère privée.

Dans le même temps, le président français demande très clairement aux musulmans de ne pas heurter, dans la pratique de leur foi, la tradition «chrétienne» de la France.

«Je veux leur dire aussi que, dans notre pays, où la civilisation chrétienne a laissé une trace aussi profonde, où les valeurs de la République sont partie intégrante de notre identité nationale, tout ce qui pourrait apparaître comme un défi lancé à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l'échec l'instauration si nécessaire d'un islam de France», écrit-il.

Selon Nicolas Sarkozy, les Européens en général «ne veulent pas que leur cadre de vie, leur mode de pensée et de relations sociales soient dénaturés».

«Le métissage ce n'est pas la négation des identités, c'est pour chacun, vis-à-vis de l'autre, la reconnaissance, la compréhension et le respect», affirme-t-il encore. «L'identité nationale c'est l'antidote au tribalisme et au communautarisme», estime-t-il.

Le chef de l'État est à l'origine d'un débat lancé en France sur l'identité nationale le 25 octobre. Pour l'opposition, le but est surtout de raviver les peurs à l'égard des immigrés afin de conforter l'électorat le plus à droite avant les élections régionales de mars.