Fermeture de «la jungle» de Calais, expulsion de trois Afghans, organisation d'un «débat national» sur l'identité nationale... Le ministre français Éric Besson ne craint pas la polémique. Portrait d'un politicien critiqué qui soulève huées et méfiance sur son passage.

Dans la politique française, Éric Besson est un cas.

Lorsqu'il a brusquement quitté le Parti socialiste, en pleine campagne présidentielle, sa candidate Ségolène Royal a ironisé: «Mais qui connaît Éric Besson?» Et en effet, en dehors des cercles dirigeants du PS ou de sa circonscription du nord de la Provence, rigoureusement personne ne connaissait son existence et on ne parlait jamais de lui dans les journaux.

 

Ce qui l'a rendu célèbre du jour au lendemain, c'est sa spectaculaire «trahison». Membre du secrétariat national du PS, proche de son patron François Hollande, Besson avait été tout particulièrement chargé de fournir des munitions contre le candidat Sarkozy, qu'il a alors décrit dans un livre comme «un néo-conservateur américain avec un passeport français». Touché par une soudaine et mystérieuse illumination, il a démissionné avec fracas du PS en février 2007, a publié un pamphlet - Qui connaît Mme Royal? - et, au mois d'avril, à deux semaines du premier tour, a spectaculairement prêté allégeance à Nicolas Sarkozy, comme si le sort du pays dépendait de son ralliement.

Pour prix de sa «trahison», l'obscur Éric Besson avait obtenu un non moins obscur secrétariat d'État à la Prospective, autant dire presque rien.

La droite se méfie

En janvier 2009, Éric Besson est devenu vice-président de l'UMP, principal parti de droite, bien que, justement à cause de sa trahison d'avril 2007, «même à droite, on ne l'aime pas», a confié un élu UMP à Libération.

En ce même mois de janvier 2009, Besson a reçu cette fois un cadeau royal et empoisonné. À la faveur d'un remaniement ministériel, il a eu l'honneur de remplacer Brice Hortefeux, intime du président de la République, au très controversé ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale.

Nicolas Sarkozy jugeait habile de conscrire un homme «venu de la gauche» pour appliquer une politique, forcément répressive, de contrôle de l'immigration. Même si, aux yeux du socialiste Arnaud Montebourg, il est un «arriviste sans âme». Et qui, donc, n'a plus aucune influence sur l'électorat de gauche.

À l'Assemblée nationale, Besson se fait généralement huer quand il prend la parole.

Même à droite, on l'apprécie modérément, y compris pour sa capacité à reprendre le flambeau de la lutte anti-immigrés, toujours payante électoralement, dans la perspective des élections régionales de mars 2010. «Les nouveaux convertis sont souvent amenés à en faire plus qu'on leur en demande. Certains peuvent devenir de vrais ayatollahs», déclare un député modéré de droite, Étienne Pinte.

Depuis sa nomination à l'Immigration, Éric Besson s'est beaucoup démené. Il a fait fermer devant les caméras de télé «la jungle» de Calais, cette zone où des milliers de réfugiés tentent désespérément de passer en Grande-Bretagne. Mais en se contentant de déplacer le problème.

Pour l'opinion, il a fait expulser trois Afghans dans leur pays d'origine. Il a aussi multiplié les déclarations plutôt démagogiques très marquées à droite. Estimant récemment que «les réflexions de comptoir (c'est-à-dire à la limite du racisme) font partie de notre identité nationale».

Ces jours-ci, il est justement en train de se faire une véritable réputation en organisant un «débat national» sur le thème de l'identité nationale. Une entreprise qui, contrairement à la précédente commission Stasi sur le voile à l'école, se caractérise par l'improvisation et un flou total.

Une initiative qui a tout pour plaire à Sarkozy et dans laquelle beaucoup voient essentiellement une opération de communication en direction de l'électorat de droite. En tout cas, trois anciens premiers ministres de droite, Juppé, Raffarin et Villepin, ont déjà pris leurs distances. Et le ministre Éric Besson, s'il peut espérer bénéficier de la reconnaissance de Nicolas Sarkozy, a peu de chances de voir reconnaître sa probité intellectuelle.

En ce mois de décembre 2009, on connaît beaucoup plus Éric Besson. Mais pas pour le mieux.