En donnant sa bénédiction, début novembre, au lancement d'un vaste débat sur l'identité nationale, le président français, Nicolas Sarkozy, avait fouetté ses «troupes» en disant qu'il voulait du «gros rouge qui tache».

Manière de dire qu'il souhaitait des interventions rappelant plutôt une conversation de bistrot qu'un débat universitaire pour maximiser l'intérêt de la population. Une approche qui n'est évidemment pas sans risques.

 

Le chef d'État en a la preuve depuis quelques semaines, puisque les dérapages verbaux s'accumulent, notamment au sein du gouvernement, ministres et députés multipliant les sorties douteuses relativement aux immigrants et aux musulmans. À tel point que de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer l'arrêt du débat.

L'opportunité d'interrompre l'exercice suscite en soi un débat, ironise le site Mediapart, qui a lancé hier une édition papier spéciale pour souligner l'urgence de couper court à l'exercice.

Jamais, souligne ces auteurs, «le souffle qui porte l'exigence d'un arrêt des réunions (publiques sur l'identité nationale... n'a été aussi grand» dans le pays.

Le quotidien Libération, sous la plume de son directeur Laurent Joffrin, martelait la même chose dans son édition de jeudi en critiquant l'absence de préparation du gouvernement.

«Le débat... est tellement mal emmanché qu'il conduit immanquablement au dérapage. On sépare musulmans et Français, dans une dangereuse et fausse distinction, qui conduit à tous les amalgames et à tous les simplismes», écrit-il.

Les ténors de la gauche, dont les critiques étaient prévisibles, sont rejoints par un nombre croissant de membres de la majorité qui expriment publiquement leur embarras tout en tentant de ne pas froisser le président.

Le commissaire à la Diversité, Yazid Sebag, a déclaré, la fin de semaine dernière, qu'il était mal à l'aise face à une consultation qui «échappe à tout contrôle». «Quand on organise un débat public, il faut s'en donner les moyens... dire ce qu'on cherche et où on veut aller», a-t-il dit.

La goutte qui a fait déborder le vase est la sortie, plus tôt cette semaine, de la secrétaire d'État à la Famille, Nadine Morano.

Lors d'un débat public, l'élue a souligné que ce qu'elle souhaitait pour le jeune musulman vivant en France «c'est qu'il trouve un travail... qu'il ne parle pas verlan», un argot local, et qu'il «ne mette pas sa casquette à l'envers».