Tony Blair n'a pas exprimé l'ombre d'un remord sur l'Irak hier. Ferme et résolu, il n'a pas craqué malgré l'interrogatoire de six heures à la commission d'enquête. Le centre de conférence Élisabeth II s'était transformé en cirque médiatique pour l'occasion. Des dizaines de patrouilles policières, des centaines de photographes et environ 200 manifestants se disputaient le devant de l'édifice.

Le supposé pacte secret avec George Bush en 2002, la légalité de l'invasion, la mauvaise préparation des troupes, la spirale de la violence sectaire: Tony Blair a dû s'expliquer sur plusieurs sujets épineux.

 

L'objectif ultime, en filigrane de cette audience: déterminer si Tony Blair a menti à son peuple sur la menace que représentait l'Irak.

L'air tendu, il est entré dans la salle muni d'un épais cartable émaillé de mémos, de rapports et d'allocutions passés. Il faisait dos à un petit auditoire où se trouvaient vingt parents de soldats décédés.

D'entrée de jeu, il a nié avoir conclu un pacte militaire avec George Bush en avril 2002. «Nous ignorions toujours comment nous allions faire face à Saddam Hussein», a-t-il déclaré, contredisant l'existence d'un contrat «signé dans le sang», suggérée par l'ancien ambassadeur britannique à Washington, Christopher Meyer.

Les renseignements sur les armes de destruction massives du dictateur lui semblait «indubitable» à l'époque. Les attentats du 11 septembre avaient changé la donne et l'avait obligé à «prendre des risques» face à l'Irak, a maintenu Tony Blair.

«Comme premier ministre, je devais prendre une décision, a-t-il dit. C'était une responsabilité immense et pas un jour ne passe sans que j'y pense.»

À ses yeux, la voie diplomatique, via l'ONU, avait été épuisée et «davantage de temps n'aurait rien réglé.»

L'audience a presque tourné au duel lorsque l'enquêteur Sir Roderic Lyne a abordé la question controversée de la légalité de la guerre. Il a tenté de savoir pourquoi Blair n'avait pas demandé l'avis de son ministre de la Justice, Lord Goldsmith, avant de déployer des troupes aux frontières de l'Irak.

Lord Goldsmith avait affirmé le 7 mars 2003 deux semaines avant l'invasion- qu'une attaque serait probablement illégale sans l'aval de l'ONU. Une semaine plus tard, il changeait son fusil d'épaule.

Déstabilisé, Tony Blair a paru nerveux dans ses réponses. Son front est devenu brillant, son regard, fuyant. Ce moment de faiblesse s'est rapidement dissipé lorsqu'il a insisté qu'il aurait accepté l'avis de son ministre de la Justice peu importe sa décision.

«Assassin»

La tension a atteint son zénith quand le chef de la commission John Chilcot a demandé à Tony Blair s'il avait des regrets. Quand il a répondu «Non», un homme dans l'auditoire a crié: «Allez, juste un seul!» James Sandry a expliqué à la BBC avoir travaillé auprès de réfugiés irakiens en Syrie.

Tony Blair a été hué à son départ. «Assassin!», s'est écriée une femme. La mère d'un soldat mort en Irak, Rose Gentle, avait du mal à contenir sa rage. «J'avais envie de lui faire ravaler son sourire», dit-elle à la sortie de l'audience.

Son attitude fière et complaisante ne permettra pas aux Britanniques de tourner la page sur l'Irak, constate le politologue Paul Kelly. «Beaucoup seront furieux de son absence de contrition», dit le professeur à la London School of Economics.