Le pro-russe Viktor Ianoukovitch a remporté l'élection présidentielle ukrainienne, un scrutin jugé «honnête» par l'OSCE, prenant ainsi une revanche spectaculaire sur la Révolution orange qui l'avait cloué au pilori en 2004.

Il a recueilli 48,79% des suffrages dimanche contre 45,63% au premier ministre Ioulia Timochenko, égérie de la Révolution orange, qui avait fait campagne sur un discours plus pro-européen, selon des résultats portant sur 99,35% des bureaux de vote. Le reste des électeurs a voté «contre tous». «Il est désormais évident que Viktor Ianoukovitch a remporté l'élection», a estimé un membre de la Commission électorale centrale, Mikhaïl Okhendovski, proche de l'opposant, sans plus attendre le dépouillement de la totalité des bulletins.

Ioulia Timochenko, qui avait électrisé les foules au moment du soulèvement populaire pro-occidental de 2004, a refusé quant à elle de s'avouer vaincue, tant que le dernier bulletin ne serait pas comptabilisé.

En estimant que le scrutin avait été «transparent et honnête», la mission d'observateurs conduite par l'OSCE l'a toutefois privée d'un précieux argument si elle se décidait à poursuivre la bataille devant les tribunaux en invoquant des fraudes.

«L'élection a offert une démonstration impressionnante de démocratie», a déclaré le président de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, Joao Soares.

«Il est temps maintenant pour les dirigeants politiques du pays d'écouter le verdict du peuple et de faire en sorte que la passation de pouvoirs soit pacifique et constructive», a-t-il ajouté, dans un clair appel du pied à la perdante.

Le premier ministre, d'habitude plus flamboyant, s'en est tenu lundi à un silence presque assourdissant, reportant au lendemain toute prise de parole.

Viktor Ianoukovitch, 59 ans, a, quant à lui, proclamé dès dimanche sa victoire, promettant d'être le président de tous les Ukrainiens et de procéder sans délai à des réformes.

Enfonçant le clou, son entourage a eu beau jeu d'inviter le camp adverse à respecter ses principes de la Révolution orange et à tirer sa révérence.

«Timochenko doit se souvenir qu'elle est démocrate et ne pas gâcher la bonne impression laissée (dimanche) par l'Ukraine», a déclaré la députée Ganna Guerman.

En novembre 2004, des centaines de milliers d'Ukrainiens étaient descendus dans la rue pour contester la victoire de Viktor Ianoukovitch à la présidentielle, alors entachée de fraudes, et obtenir un troisième tour, remporté par le pro-occidental Viktor Iouchtchenko.

Lundi, à l'exception d'un petit rassemblement de partisans de M. Ianoukovitch devant la Commission électorale centrale, aucun signe de nervosité n'était tangible, bien que les deux camps aient menacé de défendre leur victoire jusque dans la rue.

Pour la presse ukrainienne, la défaite du camp orange était inéluctable après les crises politiques à répétition et la déroute économique qui ont émaillé la présidence de M. Iouchtchenko, lui-même balayé dès le premier tour.

«Ianoukovitch alors? C'était prévisible et il n'y a pas eu de miracle. Les Ukrainiens ont jugé le pouvoir (orange)», titrait lundi le quotidien Gazeta po-Kievski.

Si Mme Timochenko promettait également de meilleures relations avec Moscou, la Russie n'en a pas moins savouré son plaisir après la défaite du camp orange, qui a osé remettre en cause son influence historique dans la région.

«La Révolution orange ne s'est pas simplement achevée, elle s'est crashée», jubilait Konstantin Kossatchev, haut responsable de la Douma (chambre basse du parlement russe).

L'Union européenne, de son côté, a «hâte de travailler avec le nouveau président» ukrainien, a annoncé la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton.