Halte au «Denglish»: l'Allemagne lance jeudi une campagne pour la défense de sa langue face à un tsunami d'anglicismes qui déferle sur la patrie de Goethe.

La campagne est menée par le ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle, pour qui «l'allemand est le langage des idées» et «la langue la plus parlée en Europe».

«C'est la langue maternelle de plus de 100 millions de personnes» en Allemagne, en Autriche, en Suisse, au Luxembourg, et dans certaines régions d'Italie, de Belgique et des Pays-Bas, souligne le ministre.

«Nous voulons donner envie au jeunes d'apprendre l'Allemand», a-t-il annoncé.

La campagne marque à la fois une réaction à l'emprise croissante de l'anglais et une résurgence de la fierté nationale allemande, longtemps étouffée par les retombées de la seconde guerre mondiale.

La dernière édition du Duden, le «Larousse» allemand, recensait en juillet 5 000 nouveaux mots, pour beaucoup adaptés directement de l'anglais.

Les Allemands peuvent ainsi officiellement avoir «le Babyblues», ou se rendre à un «After-Show-Party».

Dans le monde des affaires, nombre d'entreprises allemandes demandent désormais que leurs employés parlent anglais lors de séminaires, y compris en Allemagne.

Et l'anglais a même fait son entrée discrète au sein de la justice allemande. Un tribunal administratif à Cologne autorise les entreprises à plaider en anglais, en dépit des stipulations de la constitution allemande qui prévoit que «la langue des tribunaux est l'allemand».

Des députés allemands se plaignent ouvertement du recours de plus en plus fréquent à l'anglais, ou plutôt à un mélange d'allemand et d'anglais, le Denglish.

«Des millions d'Allemands ne savent pas vraiment ce qui se passe et sont obligés de deviner car de nombreux produits, publicités et consignes sont distribués dans une langue étrangère», a affirmé la député chrétienne-démocrate Erika Steinbach.

L'Association pour la défense de la langue allemande (VDS) s'est félicitée de la croisade de M. Westerwelle dont le ministère finance en partie les quelque 300 millions d'euros alloués annuellement à l'Institut Goethe pour l'enseignement de l'allemand.

L'Institut, dont le budget est en nette augmentation depuis plusieurs années, dispose ainsi de 136 instituts dans 91 pays étrangers où l'an dernier quelque 184 000 personnes apprenaient l'allemand.

La campagne pour la défense de l'allemand arrive à point «parce que l'anglais s'impose dans de nombreuses taches qui se faisaient auparavant en allemand», assure Holger Klatte, une porte-parole de la VDS.

«On a recours a plus de mots anglais en Allemagne que dans n'importe quel autre pays européen», ajoute-t-elle.

Mais l'offensive allemande est déjà en route.

Ainsi, la semaine dernière, la compagnie allemande des chemins de fer a annoncé renoncer aux anglicismes qui pimentent ses annonces et publicités, en réponse aux critiques d'usagers et de députés.

Les mots «hotline» (renseignements téléphoniques), «flyer» (brochure), et «counter» (guichet) seront désormais bannis, tandis que le service «call-a-bike» (location de vélo à la gare) sera assorti d'une explication en allemand.

En revanche, les expressions «Bahn-card» (carte de transport) et «Inter-city» (trains grandes lignes) seront maintenues.

Et le ministre des Transports, Peter Ramsauer, du parti social-chrétien bavarois, a récemment interdit le recours aux anglicismes au sein de son ministère, bannissant notamment les «task forces» (groupes de travail), «travel management» (bureau de voyage), et autres «inhouse meetings» (séminaires).