Daniel Garault ne pensait jamais qu'il aurait à menacer l'État français de poursuites judiciaires pour obtenir que sa fille aille à l'école.

«Quelle autre solution me reste-t-il? La grève de la faim, peut-être, mais bon, ce n'est pas idéal», dit ce père de famille.

 

Sa fille, qui fréquente une école primaire de Pantin, en banlieue sud de Paris, a vu défiler une vingtaine d'enseignantes en 18 mois. Et elle a manqué l'équivalent de près de deux semaines d'école depuis la rentrée, faute d'enseignants.

Le problème, dit-il, vient du fait que l'établissement, comme nombre d'autres écoles de la région, peine à trouver des remplaçants lorsque les titulaires manquent à l'appel.

Gardiennage et coloriage

Il n'est pas rare, note M. Garault, qu'il n'y ait carrément aucun enseignant dans la classe de sa fille. «Les enfants sont alors renvoyés chez eux ou répartis dans d'autres classes par petits groupes. Les séances s'apparentent alors plus à du gardiennage, à du coloriage qu'à de l'apprentissage», souligne-t-il.

Après s'être plaint auprès de la direction, qui plaide le manque de personnel, le père, outré, a tenté en vain de s'adresser directement au ministre de l'Éducation, Luc Chatel.

Il a ensuite décidé de porter plainte devant un tribunal administratif au motif que l'État français ne s'acquitte pas de son obligation d'assurer la continuité des services scolaires. Plainte rejetée pour des raisons techniques. M. Garault est donc revenu à la charge cette semaine avec l'appui de dizaines d'autres parents furieux.

Ils demandent que le gouvernement soit condamné à leur verser symboliquement 1 pour chaque journée d'école perdue. «On se moque de faire condamner l'État à verser de l'argent. Ce qu'on veut, c'est que des services appropriés soient remis en place dans les plus brefs délais», souligne M. Garault.

Le coeur du problème, selon lui, vient du programme d'attrition du gouvernement, qui a éliminé des milliers de postes dans le réseau scolaire au cours des dernières années.

Retraités à la rescousse?

La situation de l'école de Pantin est loin d'être une exception. La Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE), une des principales associations de parents, a recueilli sur un site baptisé Ouyapacours les plaintes de plus de 20 000 parents aux prises avec des problèmes similaires.

Le ministre Chatel a donné un écho à leurs doléances la semaine dernière en annonçant que le réseau de l'Éducation nationale pourrait faire appel à des enseignants à la retraite et à des étudiants pour combler les horaires.

La proposition a fait bondir les syndicats d'enseignants, qui dénoncent la dégradation des conditions de travail à la suite de la réduction du personnel. Hier, des milliers d'entre eux ont manifesté partout au pays pour dénoncer des coupes «dictées en grande partie par la recherche frénétique d'économies budgétaires».

L'idée de faire appel à des retraités ou à des étudiants «sans l'expérience nécessaire» est inacceptable et témoigne de la volonté du ministre de «parer au plus pressé sans aucun souci pédagogique et au détriment de la qualité de la formation», disent-ils.

Daniel Garault ne veut rien entendre non plus des solutions proposées par le ministre et réclame pour sa fille et les autres enfants des enseignants pleinement qualifiés.

«On a affaire à un pompier pyromane qui, d'un côté, abolit 10 000 postes par an et qui, de l'autre, prétend résoudre le problème avec des retraités et des étudiants. C'est ubuesque!» déplore-t-il.