Le sulfureux politicien Umberto Bossi se targue maintenant de pouvoir jouer un rôle d'arbitre en politique italienne, dans la foulée des récents succès de sa formation politique, la Ligue du Nord. Notre correspondant s'est penché sur l'ascension de ce parti xénophobe.

Silvio Berlusconi, tel le phénix, n'en finit pas de renaître de ses cendres, surmontant scandales à répétition et poursuites judiciaires pour se maintenir à la tête de l'Italie.

 

La récente victoire de sa coalition gouvernementale aux élections régionales de la fin du mois de mars s'ajoute à une longue liste d'improbables exploits. Mais elle tient, d'abord et avant tout, à l'ascension de la Ligue du Nord.

La formation xénophobe d'Umberto Bossi a obtenu 13% des voix. «C'est moi l'arbitre de la situation», a résumé, il y a quelques jours, le sulfureux politicien de 68 ans, faisant écho à l'analyse de médias italiens et internationaux qui parlent du «triomphe» de son parti.

Ses dirigeants pourraient maintenant réclamer une place accrue au sein du gouvernement, où ils comptent déjà quatre postes de ministre, incluant celui, très sensible, du ministère de l'Intérieur.

Pour Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite à l'Institut des relations internationales et stratégiques de Paris, le résultat des élections régionales marque la plus récente étape d'un «travail lent et méthodique d'implantation» mené dans le nord du pays par les troupes de Bossi.

Questions d'immigration

Le politicien, qui s'exprime difficilement en raison d'une attaque cérébrale survenue en 2004, a lancé la Ligue du Nord dans les années 80 en unifiant divers mouvements sécessionnistes.

Depuis son élection au poste de sénateur en 1987, qui lui a valu le surnom de «Senatur», il a graduellement mis en sourdine sa volonté de faire éclater l'État. Mais il demeure plus attaché que jamais à la nécessité d'un «fédéralisme» décentralisé.

«Son parti défend l'idée que l'argent produit au nord doit rester au nord et ne pas servir au sud du pays. Il s'agit d'une sorte d'égoïsme fiscal», résume M. Camus. Un égoïsme inspiré d'un profond mépris envers le Sud.

Paradoxalement, la Ligue du Nord réussit, tout en faisant partie de la coalition gouvernementale actuellement au pouvoir, à maintenir une posture de parti de l'opposition. «Ils gouvernent et contestent en même temps», indique un autre analyste familier de la formation, Christophe Bouillaud, rattaché à l'Institut d'études politiques de Grenoble.

Le fait qu'aucun dirigeant du parti n'ait été pris dans d'importants scandales de corruption a favorisé le parti aux dernières élections, estime M. Bouillaud, qui n'écarte pas la possibilité que la montée du parti soit éphémère. «Ils ont eu d'autres triomphes par le passé qui ont été sans lendemain», insiste-t-il.

Le résultat des régionales risque, quoi qu'il en soit, de se traduire par un nouveau tour de vis sur les questions d'immigration, qui figurent au coeur du programme de la Ligue du Nord.

«Dans leur discours, l'immigrant est celui qui vient manger les richesses construites par l'économie locale», souligne M. Camus. Une vision d'autant plus déprimante, dit-il, que le nord de l'Italie, aujourd'hui prospère, a longtemps vu ses habitants partir vers le nord du continent ou l'Amérique du Nord.

Distribuer du savon

La rhétorique anti-immigrant des militants de la Ligue du Nord atteint des niveaux extrêmes. Des militants ont ainsi distribué, en prévision des élections régionales, du savon liquide sur un marché en invitant les gens à l'utiliser pour se laver après avoir touché des immigrants.

Ces sorties à fort potentiel médiatique ont un côté un peu «carnavalesque» qui cache une réalité plus complexe, estime M. Bouillaud.

«Les régions où la Ligue est implantée ont une très faible démographie depuis 25 ans. C'est le plein emploi et il y a peu de jeunes. Alors, qui occupe les emplois que les autres ne veulent pas faire? Les immigrants», dit-il.

«Il y a donc beaucoup de symbolique dans le discours. On va dire: «Dehors, les Roumains» mais en même temps, pas question d'expulser ma domestique moldave qui veille sur ma grand-mère atteinte d'Alzheimer», souligne le spécialiste.