Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a violemment attaqué Israël, qualifié de «principale menace pour la paix» au Proche-Orient, mercredi au cours d'une visite à Paris, marquée par de profonds désaccords avec Nicolas Sarkozy sur l'Union européenne et l'Iran.

«C'est Israël qui est la principale menace pour la paix régionale», a-t-il déclaré à quelques journalistes.

A Jérusalem, son homologue israélien Benjamin Netanyahu a immédiatement déploré qu'«Erdogan choisisse tout le temps d'attaquer Israël». «C'est une répétition regrettable qui à mon avis ne sert pas les intérêts de la stabilité, ni de l'amélioration des relations dans notre région», a-t-il dit.

La Turquie est traditionnellement le principal allié d'Israël dans le monde musulman. Mais les relations entre les deux pays se sont détériorées depuis la guerre à Gaza fin 2008/début 2009.

«Si un pays fait usage d'une force disproportionnée, en Palestine, à Gaza, utilise des bombes au phosphore, nous n'allons pas dire «bravo». Nous lui demandons comment il peut agir de la sorte», a-t-il dit.

«Goldstone est Juif et son rapport est clair», a-t-il poursuivi, en référence au rapport demandé par l'ONU au juge sud-africain Richard Goldstone, qui a accusé Israël mais aussi des groupes palestiniens d'avoir commis des crimes de guerre pendant l'Opération «Plomb durci» à Gaza.

Ce réquisitoire fait suite à de nombreux accrochages verbaux entre les deux alliés, qui entretiennent une large coopération, y compris militaire.

Encore mardi, Ankara avait condamné des déclarations attribuées au chef de la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman, comparant M. Erdogan à des dirigeants controversés comme le Libyen Kadhafi et le Vénézuélien Chavez.

«Ils (les Israéliens) ne se sont jamais remis en cause jusqu'à maintenant, il n'y a pas une seule journée au monde où il n'estiment pas avoir raison», a insisté M. Erdogan, dirigeant du parti islamo-conservateur AKP, après une rencontre avec des patrons français.

Ces diatribes contre Israël ont fait passer au second plan l'objet principal de la visite du Premier ministre turc à Paris.

Il était à Paris pour plaider une fois de plus en faveur de l'adhésion de son pays à l'UE. L'hostilité de Nicolas Sarkozy à cette idée est à l'origine des relations difficiles entre les deux hommes, qui ne se sont pas exprimés ensemble publiquement à l'issue de leurs discussions.

«Je ne désespère pas. Je pense que M. Sarkozy peut réviser son approche», a cependant assuré M. Erdogan avant leur rencontre.

Pour faire avancer sa cause, il a appelé dans la soirée la communauté turque de France à «s'intégrer» et à demander la double nationalité pour être les «diplomates» de la Turquie en Europe, tout en se prononçant cependant contre leur «assimilation».

La Turquie, actuellement membre du Conseil de sécurité de l'ONU, est également en désaccord avec la France sur l'adoption de nouvelles sanctions contre Téhéran.

«Jusqu'à présent, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a parlé de probabilités et pas de certitudes» sur les visées militaires du programme nucléaire iranien, a dit M. Erdogan. «Il n'est pas question de mettre un pays en accusation sur des probabilités».

La fraîcheur de la relation politique contraste avec l'embellie des relations économiques. Devant les patrons français, le dirigeant turc a dit s'attendre à une hausse de 50% du commerce entre Paris et Ankara, à 15 milliards d'euros d'ici 2012.

Avant de partir, M. Erdogan a voulu dissiper tout malentendu en affirmant devant ses compatriotes que «malgré les rumeurs, la France reste l'amie et l'alliée de la Turquie».

La présidence française, de son côté, a fait savoir que Nicolas Sarkozy avait accepté une invitation à se rendre en Turquie, «rapidement après le début de la présidence française du G20» en novembre.