La Belgique se retrouve encore une fois plongée dans une crise politique majeure en raison d'un différend trouvant son origine dans les tensions existantes entre les communautés francophone et néerlandophone du pays.

Le premier ministre, Yves Leterme, s'est rendu hier en début d'après-midi au palais du roi Albert II pour présenter la démission de son gouvernement après qu'un parti flamand eut décidé de se retirer de la coalition au pouvoir.

 

Malgré les appels à la responsabilité de leurs homologues, les libéraux de l'Open-VLD ont déclaré qu'ils ne pouvaient cautionner le fait que les partis membres de la coalition ne s'entendaient pas sur la manière de scinder l'arrondissement politique sensible de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

BHV, comme disent les élus belges, regroupe la capitale Bruxelles, francophone à 90%, ainsi que des dizaines de communes à majorité néerlandophone chapeautées par le gouvernement régional de Flandre.

Les nationalistes flamands estiment que les francophones s'établissant dans ces communes menacent leur caractère originel. Ils souhaitent que le droit dont ils disposent de voter pour des listes francophones et de recevoir des services juridiques en français soit aboli.

La question linguistique est très sensible dans la périphérie bruxelloise et revient régulièrement dans l'actualité. Le gouvernement régional flamand a, par exemple, refusé à quelques reprises de reconnaître l'élection de maires francophones sous prétexte qu'ils avaient correspondu avec les électeurs avec du matériel rédigé en français.

Le roi doit trancher

Lundi, le médiateur qui avait été mandaté par le roi pour établir des pistes de solution sur la scission projetée de l'arrondissement a présenté ses recommandations, mais elles n'ont pas permis de dégager de consensus.

Le chef des libéraux flamands, Alexander De Croo, a indiqué, au sujet de sa décision de quitter la coalition, qu'il y avait une «rupture de confiance». Du même coup, il a réclamé la tenue d'un vote de la majorité flamande sur la scission de l'arrondissement, vote qui n'a finalement pas eu lieu, la séance plénière étant reportée en raison de l'incertitude entourant la situation du gouvernement.

La suite des événements dépendra de la volonté du roi, qui a décidé hier de réserver sa décision sur la démission du gouvernement et de poursuivre des consultations.

Dans un communiqué, Albert II et le premier ministre ont souligné qu'une crise politique majeure à ce stade serait «inopportune et porterait un grave préjudice, d'une part, au bien-être économique et social des citoyens et, d'autre part, au rôle de la Belgique sur la place européenne».

Ces rebondissements surviennent en effet à moins de deux mois de la date à laquelle le pays doit prendre la présidence tournante de l'Union européenne.

L'euthanasie du pays

Les militants ultranationalistes flamands du Vlaams Belang, qui réclament «l'euthanasie» de la Belgique, ont brièvement occupé hier la Chambre des députés et chanté l'hymne officiel de leur communauté pour souligner leur joie.

L'analyste politique Pascal de Wit a prévenu, plus posément, qu'il fallait prendre garde de conclure que le pays était sur le point d'éclater définitivement.

«La Belgique n'est pas morte. Il faut savoir raison garder», a-t-il déclaré au quotidien Le Soir, en insistant, du même souffle, sur les difficultés de communication des élus des deux communautés.

Dans son numéro du matin, le journal francophone a prévenu qu'aucun citoyen belge ne pourrait comprendre que le gouvernement tombe «sur la (non) scission d'un arrondissement électoral» alors que la crise économique frappe de plein fouet le pays. Le quotidien néerlandophone The Standaard a déploré, de son côté, que la crise fasse ressortir «le pire» de chacun. «Nous devenons des caricatures de nous-mêmes», a résumé un éditorialiste.