Alors que la Belgique s'enfonce dans une nouvelle crise communautaire, l'interdiction du voile intégral a fait l'unanimité, hier au Parlement.

La situation est pour le moins ironique.La Belgique vient de plonger dans une crise communautaire qui, selon certains, pourrait cette fois mener à «l'implosion» du pays. Au Parlement, où l'on craignait une empoignade générale, hier après-midi, on a évité de justesse - et reporté de 30 jours - un choc frontal entre députés flamands et wallons.

Deux heures plus tard, le même Parlement a retrouvé une quasi-unanimité pour voter l'interdiction totale de la burqa et du niqab dans l'espace public. Sur les 138 parlementaires présents en séance, 136 ont voté pour le texte, et 2 se sont abstenus.

La Belgique est donc le premier pays européen qui fait face à ce nouveau phénomène, pour l'instant marginal, à voter l'interdiction pure et simple du voile intégral. Avant la France. «Un motif de fierté pour notre petit pays», a déclaré un député libéral wallon, Denis Ducarme.

À moins qu'il ne s'agisse de masquer la gravité du conflit qui coupe le pays en deux - 60% de Flamands d'un côté, 40% de Wallons de l'autre. Vu la crise qui s'annonce, il n'est même pas certain que la loi soit confirmée par le Sénat.

Ce qui préoccupe ces jours-ci la Belgique n'est d'ailleurs pas la burqa, mais le conflit communautaire qui, de compromis en rafistolages, semble arrivé à son heure de vérité.

L'arrangement linguistique dessiné en 1963 accordait aux Flamands un unilinguisme absolu et sourcilleux sur leur territoire. Mais Bruxelles étant francophone à 90%, ils ont dû accepter pour cette ville un statut bilingue même si elle est située en Flandre. Et un régime dit de «facilités» pour les municipalités de la banlieue bruxelloise où vivent actuellement 130 000 francophones: accès à des services publics en français, droit de vote à Bruxelles, etc.

La «sonnette d'alarme»

Mais pour les séparatistes ou autonomistes flamands, qui représentent aujourd'hui 40% des voix, la persistance du fait francophone dans la région bruxelloise est jugée de plus en plus intolérable. Déjà, en 2007, les députés flamands avaient voté en commission la suppression des «facilités» dans les communes de banlieue. Faute d'avoir depuis obtenu des députés wallons les concessions réclamées, les libéraux flamands ont provoqué mercredi dernier la chute du gouvernement. Hier après-midi, la totalité des élus flamands, tous partis confondus, s'est disposée à voter la mort des «facilités». En face, l'ensemble des députés wallons ont alors mis en marche la procédure dite de la «sonnette d'alarme», qui reporte de 30 jours l'adoption d'une loi menaçant les intérêts vitaux d'une des deux communautés.