Les manifestations organisées hier en Grèce pour protester contre les mesures d'austérité budgétaires annoncées il y a quelques jours par le gouvernement ont dégénéré, faisant au moins trois morts et plusieurs blessés.

Selon les autorités locales, un groupe de jeunes portant des cagoules a brisé la vitre d'une succursale bancaire située au centre-ville d'Athènes avant de lancer à l'intérieur un cocktail Molotov qui a mis le feu à l'établissement. Plusieurs employés qui étaient en train d'être évacués se sont retrouvés piégés.

Au moins cinq personnes ont dû être hospitalisées après que les pompiers eurent maîtrisé les flammes. Deux autres bâtiments ont aussi été brûlés.

Les forces policières, placées en état «d'alerte générale», ont utilisé des gaz lacrymogènes pour tenter de maîtriser les manifestants, qui étaient plus de 30 000 à défiler au coeur de la capitale à l'appel des principaux syndicats du pays.

Une autre manifestation regroupant 20 000 personnes à Salonique a aussi été ponctuée par des affrontements musclés.

Les services de transports ont été virtuellement paralysés dans le pays, qui a subi sa troisième journée de grève générale depuis le début de l'année.

Escalade de la violence?

Mardi, déjà, des dizaines de militants étaient montés jusqu'à l'Acropole pour déployer des banderoles pressant les peuples d'Europe de «se soulever» contre les compressions imposées un peu partout pour rétablir les finances publiques.

Les troubles surviennent quelques jours après que le gouvernement du premier ministre Georges Papandréou eut accepté d'imposer des mesures draconiennes devant générer des économies de 30 milliards d'euros en trois ans pour s'assurer le soutien de l'Union européenne et du Fonds monétaire international.

À la fin de la semaine, le plan sera soumis au vote des élus grecs, qui doivent composer avec la possibilité d'une escalade de la violence.

«Ce n'est que le début d'une grande guerre», a assuré hier à l'Agence France-Presse une des manifestantes.

Le premier ministre Papandréou a dénoncé «l'acte meurtrier» survenu durant les manifestations et promis que les coupables seraient «retrouvés et jugés».

«Tout le monde a le droit de manifester... Mais personne n'a le droit d'utiliser la violence, surtout si elle conduit à la mort de nos compatriotes», a déclaré le politicien, qui a promis de convoquer rapidement une rencontre avec les chefs des partis de l'opposition pour faire le point sur les troubles.

L'avenir de l'Europe

Bien qu'il soit de loin le plus touché, le pays n'est pas le seul où les autorités craignent de voir les mesures d'austérité se traduire par des manifestations de rue.

C'est le cas aussi au Portugal, où les principaux syndicats ont prévu une nouvelle journée de débrayage d'ici la fin du mois. Une porte-parole du front commun des syndicats de fonctionnaires a indiqué il y a quelques jours que la colère grondait parmi les employés de la fonction publique. Mais elle n'était guère palpable dans la manifestation tenue à l'occasion de la fête des Travailleurs du 1er mai.

L'agence Moody's a indiqué hier qu'elle songeait à réviser à la baisse la cote de la dette portugaise, ce qui pourrait contraindre le gouvernement de Jose Socrates à annoncer de nouvelles ponctions.

Le même scénario pourrait survenir en Espagne, où la population peine déjà à se remettre d'une forte récession marquée par l'effondrement du secteur immobilier. Le gouvernement de Jose Luis Rodriguez Zapatero, qui a annoncé un plan de compressions de 50 milliards d'euros en trois ans, doit composer avec l'explosion du chômage, qui excède aujourd'hui 20%.

Le plan d'austérité annoncé pour venir en aide à la Grèce pose aussi des problèmes politiques pour la chancelière allemande Angela Merkel, qui craint de voir son action sanctionnée dimanche à l'occasion d'une élection régionale importante pour sa coalition.

Elle est partie en campagne au cours des derniers jours pour convaincre la classe politique du pays d'approuver le déblocage de plus de 20 milliards d'euros au profit d'Athènes.

Ce n'est ni plus ni moins que «l'avenir de l'Europe» qui est en jeu, a indiqué hier Mme Merkel, qui doit composer avec une opinion populaire largement réfractaire à l'idée de soutenir la Grèce.