Bien qu'il soit courant en France de traiter de «poulets» les agents de police, il est plutôt risqué de jouer sur cette terminologie argotique dans le domaine publicitaire.

La direction des Fermiers de Loué vient d'en faire l'expérience en raison d'une campagne d'affichage qui vante ses techniques d'élevage sur le thème «Un bon poulet est un poulet libre».

L'affiche montre un policier debout dans l'herbe, tout sourire, surmonté des mots «Poulet de Loué élevé en liberté». À côté, des policiers entassés dans une camionnette, avec cette légende: «D'autres poulets.»

L'initiative n'a pas du tout plu au Syndicat général de la police, qui a écrit à la direction de l'entreprise pour se plaindre du fait que ses membres étaient désignés de «la manière la plus vulgaire».

«En cette période où les policiers sont particulièrement exposés dans l'exercice de leur profession, et décriés par de nombreux contradicteurs, il est inutile de notre point de vue que la police nationale soit ridiculisée de la sorte», a déploré le secrétaire général de l'organisation, Nicolas Comte.

Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a donné raison au syndicat il y a quelques jours et souligné qu'il avait saisi la direction de l'entreprise de son mécontentement.

De telles campagnes «n'ont pas forcément la volonté de blesser», mais elles participent, «aussi anodines qu'elles soient à une forme d'irrespect qui peut conduire à des dérives», a-t-il noté.

Le directeur général des Fermiers de Loué, Yves de la Fouchardière, a souligné que l'affiche ne visait aucunement à insulter les policiers. «C'est un coup de gueule pour illustrer nos différences par rapport aux élevages industriels», a-t-il déclaré.

Manque d'humour?

L'entreprise n'est pas la première à s'attirer les foudres des syndicats de police en raison de son utilisation à double sens du mot «poulet». La rôtisserie Maison Poulaga, qui a ouvert sa première succursale à Cannes il y a quelques années devant un commissariat, multiplie les références à la police nationale.

Ses employés portent un uniforme qui rappelle celui des forces de l'ordre, les véhicules sont similaires et les factures sont présentées comme des contraventions.

Un dirigeant syndical a qualifié ces pratiques de «dévalorisantes» et «presque insultantes» pour les policiers du pays.

Le publicitaire Jean-Philippe Morat pense que les policiers auraient intérêt à faire preuve de plus d'humour plutôt que de lancer des protestations qui finissent par faire de la publicité gratuite aux firmes concernées.

«L'affiche de Loué n'est même pas méchante... C'est quand même fou de prendre la mouche pour si peu», juge le spécialiste.

Les policiers, dit-il, sont en quelque sorte victimes des politiciens qui leur mettent énormément de pression sur les épaules en n'apportant «rien d'autre qu'une réponse répressive» aux problèmes d'insécurité qui touchent le pays.

Problèmes plus urgents

Le secrétaire général adjoint d'Alliance Police nationale, un des principaux syndicats de policiers français, pense que les polémiques publicitaires sont bien secondaires par rapport à ce que vivent les agents au jour le jour dans certains quartiers chauds.

«Disons que ce n'est pas la priorité», ironise Frédéric Lagache, qui s'inquiète de la multiplication d'incidents dans lesquels les forces de l'ordre sont insultées et attaquées.

«On touche le fond dans certains endroits, où on voit des individus qui n'ont pas du tout peur des policiers et des gendarmes», souligne le porte-parole, qui réclame plus de sévérité de la part des tribunaux.

«Il faut réaffirmer le respect de l'État et des policiers par l'imposition de sanctions fortes contre ceux qui les agressent», a-t-il déclaré.

Le président Nicolas Sarkozy a bien entendu le message: de passage à Grenoble, hier, il a annoncé de nouvelles mesures sécuritaires. Il entend notamment réviser la loi pour permettre de retirer la nationalité française à des personnes «d'origine étrangère» qui auraient «volontairement porté atteinte à la vie d'un policier».

Cette intervention fait suite aux émeutes survenues dans la ville il y a quelques semaines après la mort d'un malfrat local, tué par la police lors d'une fusillade. Plusieurs policiers présents lors de l'opération ont été mutés ou mis en vacances en raison de menaces de mort.