Son effigie a été brûlée au Pakistan. Sa critique de la politique israélienne à Gaza a fait sortir de ses gonds l'État hébreu. David Cameron sème les tempêtes diplomatiques en refusant de jouer les tartufes. Par naïveté ou aplomb, le nouveau premier ministre britannique préfère la franchise à la diplomatie.

David Cameron est-il allergique à la langue de bois? La semaine dernière, le premier ministre britannique a désigné Gaza comme un «camp de prisonniers» et a accusé le Pakistan, un pays allié, de jouer un «double jeu» en entretenant des relations avec des groupes terroristes.

Il devra jeter du lest à l'occasion de sa rencontre avec le président pakistanais Asif Ali Zardari, arrivé à Londres hier soir.

Lors d'une visite de trois jours en Inde, grande rivale du Pakistan, le chef du gouvernement britannique a déclaré, le 28 juillet: «Nous ne pouvons tolérer l'idée que le Pakistan puisse promouvoir l'exportation de la terreur en Inde, en Afghanistan ou ailleurs dans le monde.»

David Cameron lançait cet avertissement dans la foulée des révélations de WikiLeaks sur la guerre en Afghanistan. Les fuites établissaient des liens entre les services de renseignement pakistanais et les talibans.

Furieuse, l'élite politique pakistanaise l'a accusé d'attiser le sentiment antioccidental de la population. À Karachi, samedi, des membres du Parti islamiste Jamaat-e-Islam ont brûlé une effigie du premier ministre de 43 ans.

Des officiers de haut rang de l'agence de renseignement pakistanaise ISI ont annulé une rencontre avec leurs homologues britanniques. Le président du Pakistan, Asif Ali Zardari, veuf de l'ex-première ministre Benazir Bhutto, tuée dans un attentat en 2007, était pressé d'en faire autant avec David Cameron. Mais il a promis de «faire la leçon» au dirigeant du second partenaire économique du Pakistan. Les deux hommes doivent se rencontrer vendredi.

»Camp de prisonniers»

La veille de son réquisitoire contre le Pakistan, David Cameron avait déjà pris un autre allié à rebrousse-poil: Israël.

En visite à Ankara, en Turquie, le 27 juillet, le premier ministre a déclaré à propos de Gaza: «Il faut rétablir la circulation des biens humanitaires et des gens. Gaza ne doit pas demeurer un camp de prisonniers.»

Ses mots durs n'ont pas échappé à Israël, dont la relation avec la Turquie est au plus mal depuis l'assaut contre la flottille humanitaire qui a fait neuf victimes turques en mai.

«Les gens de Gaza sont prisonniers de l'organisation terroriste Hamas», le régime islamiste au pouvoir dans l'enclave palestinienne, a rétorqué l'ambassadeur israélien à Londres, Ron Prosor.

»Grande gueule»

Même les Britanniques sont médusés par le franc-parler de leur premier ministre, en poste depuis trois mois..

«Ce n'est pas typiquement britannique d'agir de la sorte», a dit à La Presse Richard Whitman, expert à la Chatham House en diplomatie étrangère.C'est vraiment une surprise. Je crois qu'il veut se démarquer. Il veut démontrer qu'il n'est à la solde de personne.»

David Cameron, toujours en lune de miel avec l'opinion publique, s'aventure cependant en terrain glissant. «Sa diplomatie semble être ceci: allez dans un pays et critiquez-en un autre», écrit Paul Reynolds, de la BBC. Un manège qui n'est pas sans conséquences, prévient l'analyste.

L'ancien ministre des Affaires étrangères David Miliband crie à l'hérésie. «Il y a une différence entre dire les choses franchement et être fort en gueule», a dit M. Miliband, qui convoite la direction du Parti travailliste.

«Les contribuables britanniques ne veulent pas que je voyage partout dans le monde simplement pour dire ce que les gens ont envie d'entendre», s'est défendu le premier ministre.

David Cameron redonne une voix forte à la Grande-Bretagne, croit l'influent journaliste William Rees-Mogg. «Il vaut mieux que le monde, y compris le Pakistan et Israël, sache la vérité sur nos positions», écrit-il dans le Times.