Les critiques se multiplient en Roumanie et en Bulgarie contre la politique française à l'égard des Roms, le ministre roumain des Affaires étrangères Teodor Baconschi se disant mercredi inquiet des «risques de dérapage populiste» et de «réactions xénophobes».

De son côté, la Commission européenne a rappelé que la France «doit respecter les règles» sur la liberté de circulation et d'établissement des citoyens européens. Bruxelles suit «très attentivement» la situation alors que Paris s'apprête à reconduire en Roumanie 79 Roms jeudi.

Le chef de la diplomatie roumaine a lui haussé le ton pour la première fois depuis le durcissement de la politique sécuritaire du président français Nicolas Sarkozy.

«J'exprime mon inquiétude sur les risques de dérapage populiste et de générer certaines réactions xénophobes sur fond de crise économique», a déclaré le ministre à la radio RFI Roumanie. M. Baconschi «espère» que la légalité sera respectée pour chacune des «expulsions».

La France doit renvoyer 371 Roms roumains dans leur pays d'ici le 26 août, a indiqué à l'AFP le secrétaire d'État roumain chargé de l'insertion de cette minorité, Valentin Mocanu.

Paris a évoqué le chiffre de 700 Roms roumains et bulgares à renvoyer d'ici fin août.

Sofia a indiqué mercredi ne pas s'attendre à ce que le nombre de ses ressortissants menacés d'expulsion soit important.

Les mesures décidées contre les Roms en situation irrégulière sont «pleinement conformes aux règles européennes», a de son côté assuré un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

Interrogé sur les inquiétudes du ministre roumain, il a répondu qu'il «importait de mettre en avant la coopération qui se met en place» entre Paris et Bucarest.

Un point de vue partagé par M. Baconschi qui prône une coopération loin de toute «fièvre électoraliste artificielle» pour résoudre les problèmes de pauvreté, d'accès aux soins et d'éducation auxquels font face les Roms dans toute l'Europe.

Les Roms sont entre 530 000 et 2,5 millions en Roumanie et environ 800 000 en Bulgarie. Ils seraient 15 000 en France.

Une partie des Roms de Roumanie, en majorité issus des communautés traditionnelles rurales et plus pauvres, vient en France pour échapper à des conditions de vie très difficiles.

Si Bucarest a fait des efforts pour améliorer la scolarisation des Roms, ces derniers continuent de souffrir de discriminations sur le marché du travail et dans l'accès à un logement décent.

Alors que le secrétaire d'État français aux Affaires européennes Pierre Lellouche avait évoqué un possible report dans l'intégration de la Roumanie et la Bulgarie dans l'espace Schengen, prévue en 2011, M. Baconschi a jugé que les menaces ne sont pas la solution.

«Si nous échangeons des accusations ou nous criminalisons à titre collectif des groupes ethniques, nous ressuscitons des souvenirs parmi les moins plaisants. Au lieu de trouver des solutions nous générons des tensions», selon le ministre.

M. Baconschi a lui même été accusé en février dernier par des associations roms de «racisme» pour des propos controversés sur la délinquance parmi les membres de cette minorité.

Par ailleurs, des défenseurs des droits de l'Homme en Bulgarie ont également critiqué Paris.

Le président de la section bulgare de l'ONG Comité Helsinki, Krassimir Kanev, s'est déclaré «inquiet» de mesures visant un groupe ethnique.

Ilona Tomova, spécialiste des Roms à l'Académie bulgare des sciences, a indiqué à l'AFP être «attristée que la France, pays symbole de la démocratie contribue à la stigmatisation» des Roms.

Le journal bulgare d'opposition Sega a pour sa part estimé que Sofia et Bucarest n'ont aucun moyen d'empêcher les Roms de circuler en Europe sauf «par un retour du communisme avec l'exigence de visas de sortie».

Deux secrétaires d'État roumains se rendront à Paris le 30 août pour aborder ce dossier.