Après des années de tergiversations, les autorités françaises mettent de l'avant une politique de «tolérance zéro» pour en finir avec le hooliganisme et ses dérives. Au risque de sanctionner dans le processus des amateurs de ballon rond qui n'ont rien de violent, relate notre correspondant.

Pendant 10 ans, Sami Battikh a assisté avec ferveur aux matchs du Paris Saint-Germain au Parc des Princes. Mais malheur à lui s'il s'aventure aujourd'hui à proximité du centre sportif pour voir évoluer ses idoles d'antan.

Comme des centaines d'autres partisans de longue date de l'équipe professionnelle de soccer, l'homme de 29 ans est désormais considéré comme persona non grata par la direction de l'équipe parisienne et les autorités policières.

Visé par un «interdit de stade», il doit se rendre au commissariat situé près de chez lui avant chaque match et à la mi-temps, de manière à garantir qu'il ne tente pas de se rendre dans l'enceinte sportive.

«Le tout sans le moindre procès. Ce qui m'arrive est totalement contraire aux valeurs de la République», souligne M. Battikh, qui s'expose à une peine d'emprisonnement d'un an s'il refuse d'obtempérer.

Les ennuis de ce journaliste indépendant - qui récuse toute violence - ont commencé au début du mois d'août lorsqu'il a été appréhendé aux abords du stade avec plusieurs centaines d'anciens abonnés venus manifester à l'occasion du match d'ouverture de la saison.

Ils voulaient protester contre une nouvelle politique de la direction du PSG, qui a décidé de suspendre les abonnements et d'attribuer les places de manière aléatoire pour tenter de désamorcer le climat de violence entourant les matchs.

Partisans racistes et violents

Depuis plusieurs années, des membres radicalisés des deux principales tribunes du stade -baptisées virage Boulogne et virage Auteuil-, qui se trouvent à chaque extrémité du centre sportif, s'affrontent à coups d'invectives et parfois à coups de poing.

Ces violences entre groupes d'abonnés ont culminé en février par le passage à tabac et la mort d'un membre du virage Boulogne, ce qui a entraîné une vigoureuse intervention des autorités et du PSG.

M. Battikh convient qu'il était nécessaire d'agir pour faire cesser la violence, mais il pense que l'intervention aurait dû être mieux ciblée.

«Il n'y a que quelques centaines de personnes qui posent problème», souligne l'amateur de ballon rond, qui accuse la direction du PSG d'avoir laissé pourrir la situation en tolérant les excès «racistes» des membres les plus radicaux du virage Boulogne.

Nicolas Hourcade, sociologue de l'École centrale de Lyon qui a étudié de près la problématique au PSG, estime que les autorités ont laissé la situation dégénérer en accordant une «large impunité» aux partisans racistes et violents.

Selon lui, les membres du virage Auteuil, très cosmopolite, «ont fini par se radicaliser» pour répondre aux attaques du virage Boulogne, «blanc à 99,99 999%», où une minorité xénophobe imposait sa marque.

«La haine était devenue telle» qu'il fallait «casser l'opposition» entre les deux virages, juge M. Hourcade, qui craint cependant de voir le nombre de «victimes collatérales» se multiplier en raison de l'approche tardive et musclée choisie.

«Il y a une volonté de taper très fort sur les supporteurs violents pour faire reculer les incidents, mais il y a aussi un risque d'abus et d'arbitraire», note le sociologue, qui évoque à ce titre les interdictions de stade imposées tous azimuts à la suite du match d'ouverture du PSG.

Pour une «saison pourrie»

Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, s'est félicité pour sa part de l'approche retenue, en relevant que les «hooligans» n'avaient pas pu s'approcher du stade. La même approche sera de mise ce soir, au cours d'un match sensible contre une équipe israélienne.

Selon M Battikh, la quasi-totalité des anciens abonnés appréhendés lors du match d'ouverture étaient parfaitement pacifiques et voulaient simplement faire entendre leur mécontentement.

Son irritation face aux autorités est partagée par Jérémy Laroche, autre partisan de longue date du club, qui a créé l'association «Liberté pour les abonnés» pour convaincre la direction du PSG de revenir sur sa décision de suspendre les abonnements.

«Mettre des milliers de personnes dans le même panier en les faisant passer pour des hooligans, ce n'est pas la solution», note M. Laroche, qui a rencontré la semaine dernière la direction du PSG pour tenter de trouver une solution.

Sami Battikh ne pense pas qu'il remettra de sitôt les pieds au Parc des Princes, quoi qu'il advienne.

«Quand, du jour au lendemain, on vous traite de criminel et qu'on met n'importe qui à votre place en vous imposant un interdit de stade, c'est impossible de continuer à appuyer le club. J'espère qu'ils auront une saison pourrie», conclut-il.