Lénine et Mao Zedong sont-ils de «grands hommes» de l'Histoire dignes d'être immortalisés sur la place publique? Ou des potentats sanguinaires méritant l'opprobre et l'oubli?

Le débat fait rage à Montpellier, dans le sud de la France, à quelques semaines de l'inauguration officielle d'une place sur laquelle figureront les statues de bronze d'une dizaine de figures politiques importantes, dont les ex-dirigeants russe et chinois.

Le président de l'agglomération, Georges Frêche, à l'origine de l'initiative, a dévoilé mercredi les cinq premières statues, qui incluent, outre celle de Lénine, Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt, Charles de Gaulle et l'ancien leader socialiste français Jean Jaurès. Celle de Mao Zedong viendra s'ajouter dans une seconde phase d'ici 2012.

«Vive Lénine et vive la révolution d'octobre!» a lancé en levant le poing le politicien, un ex-dirigeant socialiste qui s'était fait expulser du parti en 2007 à la suite de propos à connotation raciste sur la composition de l'équipe nationale de soccer.

L'installation des statues de trois mètres de hauteur vise à faire connaître les grands acteurs de l'histoire du XXe siècle, au dire de M. Frêche. Mais elle est reçue comme une provocation par des élus de la région, qui lui reprochent de vouloir «imposer sa vision de l'Histoire».

Le parti des Verts dénonce la présence de statues de Lénine et de Mao Zedong, et menace de les déboulonner à la première occasion.

La formation, qui a lancé une page Facebook pour rallier les opposants à l'initiative, exprime son «refus farouche d'accueillir à Montpellier ces symboles de régimes dictatoriaux et autocratiques».

Même son de cloche du militant écologiste José Bové, qui s'insurge, parlant de Lénine, contre la «glorification d'un régime totalitaire» par un geste «mégalo et dangereux».

Le Front national est aussi indigné. Le parti d'extrême droite décrit l'installation d'une statue du dirigeant politique russe, vu comme un «fou sanguinaire», comme une «insulte faite aux morts, à l'Histoire, à la mémoire...»

»Libérateurs»

Georges Frêche se défend de vouloir blanchir Mao Zedong et Lénine. «Il faut que les gens comprennent que je consacre les deux hommes qui ont été des libérateurs de peuples. Pas ce qu'ils ont pu faire ensuite, car je sais leurs zones d'ombre», a-t-il expliqué aux médias français.

Lénine, souligne le politicien, «a changé la face du monde au XXe siècle» par la révolution d'octobre et son soutien au processus de décolonisation.

Quant à Mao Zedong, il est l'homme qui a «rendu sa dignité à la Chine», juge M. Frêche, qui est un ancien militant maoïste.

«La Révolution culturelle est un malheur pour la Chine, mais ça, l'Histoire l'oubliera», dit le président du conseil d'agglomération, qui n'entend pas se laisser décourager par d'éventuels actes de vandalisme contre les statues.

«Si des imbéciles les retirent, on fera réaliser des copies autant de fois qu'il le faudra. À 360 000 euros pièce, c'est le contribuable qui risque de ne pas apprécier», a-t-il prévenu.

Le brouhaha médiatique et politique entourant l'initiative est loin de déplaire au controversé élu. «Cette polémique est extraordinaire! Ça fait connaître la place dans toute la France», dit-il. Et au-delà.