Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi dans toute la France pour protester contre le virage sécuritaire du gouvernement du président Nicolas Sarkozy, notamment sa politique d'expulsions de Roms qui a suscité la réprobation internationale.

En France, les défilés ont rassemblé plus de 30 000 personnes selon la police, plus de 89 000 personnes selon les organisateurs, dans une douzaine de grandes villes dont Paris, Lyon (centre), Marseille (sud), Bordeaux (sud-ouest), Grenoble (centre-est), selon les informations recueillies par les correspondants de l'AFP.

Les manifestations étaient organisées dans de nombreuses villes françaises ainsi que devant des ambassades françaises de plusieurs pays de l'Union européenne (UE), à l'appel de dizaines d'organisations avec le soutien de syndicats et des partis d'opposition (dont le Parti socialiste, le Parti communiste, les Verts).

A Paris (12 000 à 50 000 manifestants), le défilé a été ouvert par des Roms roumains, suivis de personnalités politiques, syndicales, associatives ou artistiques réunies derrière le slogan de cette mobilisation: «Non à la xénophobie et à la politique du pilori. Liberté, égalité, fraternité».

Au plus bas dans les sondages, embarrassé par le scandale politico-fiscal touchant le ministre du Travail Eric Woerth, chargé de défendre dès mardi la cruciale réforme des retraites, le président français avait tenté de reprendre la main fin juillet en annonçant un durcissement de sa politique sécuritaire après des faits divers très médiatisés.

Mais en décidant le démantèlement de camps illégaux de Roms et en envisageant de déchoir de leur nationalité certains criminels d'origine étrangère, Nicolas Sarkozy a suscité l'indignation de la société civile et de l'opposition, et l'inquiétude de l'ONU, de la Commission européenne, du Vatican.

En Europe, des manifestations ont rassemblé plusieurs centaines de personnes devant quelques représentations de la France.

La plus grosse mobilisation (plusieurs centaines de manifestants) a eu lieu à Rome. Sur les banderoles à Bruxelles, on pouvait lire: «Roma, immigrants, who's next ?» (les Roms, les immigrés, qui d'autres?). A Barcelone: «Basta deportaciones» (Ca suffit les déportations). A Londres: «Assez, c'est assez».

Depuis fin juillet, environ 1000 Roms roumains et bulgares ont été reconduits à la frontière et une centaine de campements illicites démantelés.

«La ligne rouge a été franchie», a déclaré samedi le président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) Jean-Pierre Dubois.

«C'est pour moi une journée de combat contre le racisme et la xénophobie», a lancé le maire socialiste de Paris Bertrand Delanoë. «On n'accepte pas le poison qu'est en train d'instiller le gouvernement dans notre République», a martelé la patronne des Verts Cécile Duflot.

La France avait été appelée fin août par l'ONU à «éviter» les «discours politiques discriminatoires».

Cette semaine, pour la première fois, le ministre roumain des Affaires étrangères Teodor Baconschi a critiqué le renvoi des Roms estimant que ce n'était «pas une solution».

Face à ce tollé, la France a expliqué mardi, devant une Commission européenne réservée, sa politique d'expulsions de Roms, déclarant que le droit européen était «scrupuleusement» respecté. La France «ne stigmatise personne», a dit le ministre des Affaires européennes Pierre Lellouche.

Samedi, le secrétaire national du parti du pouvoir UMP (droite) Eric Ciotti a estimé que les manifestations traduisaient «une complaisance coupable à l'égard de ceux qui bafouent les lois de la République».

Environ 15 000 Roms vivent en France, où ils bénéficient des règles de libre circulation de l'UE, mais vivent souvent dans des abris de fortune. Après trois mois passés en France, sans domicile ni sources de revenus, ils sont dans l'illégalité et deviennent expulsables.