Des centaines de milliers de manifestants ont réclamé mardi dans les rues de France un retrait ou une refonte de la réforme des retraites, projet phare de Nicolas Sarkozy, mais le président français est resté ferme sur ses positions, à l'amorce du débat parlementaire.

Symbole de ce moment de vérité pour cette réforme présentée comme déterminante dans l'optique de la présidentielle de 2012, l'imposant cortège parisien parti à 14h30 (8h30 HNE) de la place de la République a dû se scinder en deux, en raison de l'affluence.

La police a chiffré à 80 000 le nombre de participants dans la capitale. Mais pour la CGT (premier syndicat), ils n'étaient pas moins de 270 000, soit plus du double que lors de la dernière mobilisation contre le projet en juin. La presse parlait mardi de «tournant» du mandat Sarkozy (La Tribune) ou de «journée vérité» (Le Monde).

Au son de vuvuzelas et de slogans anti-gouvernementaux, les manifestants ont défilé derrière une banderole proclamant: «Retraites solidaires, emplois, salaires, un enjeu de société».

Les dirigeants syndicaux affirmaient dans l'après-midi avoir réussi leur pari d'une mobilisation plus forte que le 24 juin, précédente journée de contestation, qui avait rassemblé entre 800 000 personnes selon la police et 2 millions selon les syndicats.

C'est «la plus grosse mobilisation de ces dernières années», a assuré François Chérèque (CFDT, réformiste), prévenant que si le gouvernement restait sourd face à ce coup de semonce, les syndicats n'auraient «pas d'autre solution que de continuer» le mouvement social.

À la mi-journée, le ministère de l'Intérieur avait estimé le nombre de manifestants à 450 000, un chiffre équivalent à celui du 24 juin, mais ne prenant pas encore en compte certaines grandes villes, dont Paris.

Partout dans le pays, les grèves ont provoqué d'importantes perturbations dans les transports ferroviaire, urbain et aérien. Deux trains à grande vitesse (TGV) sur 5 circulaient, le trafic était perturbé dans les principaux aéroports.

Dans les collèges et les lycées, les enseignants faisaient ainsi grève à 25,8%, selon le ministère de l'Éducation (55% à 60% selon les syndicats) contre seulement 10,3% en juin.

Si la mobilisation était forte dans le secteur public, bastion traditionnel des syndicats, beaucoup d'entreprises du secteur privé étaient aussi représentées dans les cortèges, importants dans les grandes villes de provinces.

Pendant ce temps, le débat sur la réforme a débuté dans un climat houleux à l'Assemblée nationale, la gauche accusant le gouvernement «de ne pas avoir joué sincèrement le jeu de la négociation» et fustigeant un projet «injuste» qui «fait porter 95% de la charge sur les salariés».

Le premier ministre François Fillon a assuré être «ouvert au débat, pour peu que l'on ne perde pas de vue l'objectif de la réforme», qui est de «faire en sorte que les retraites des Français soient payées demain».

La réforme prévoit de repousser l'âge minimum de la retraite de 60 à 62 ans d'ici à 2018. Le gouvernement considère que faire travailler les Français plus longtemps, à l'instar de leurs voisins européens, est la meilleure option pour assurer des besoins de financement estimés à 70 milliards d'euros d'ici à 2030.

Selon les sondages, une majorité de Français approuvent cette mobilisation, tout en considérant la réforme inéluctable. Cette apparente ambivalence de l'opinion conforte l'exécutif.

Nicolas Sarkozy a répété mardi à des députés de son parti qu'il fallait rester «ferme» sur le coeur de la réforme, les 62 ans, même si des aménagements étaient possibles sur les emplois pénibles ou les carrières longues.

Au plus bas dans les sondages, le président compte sur cette réforme pour rétablir son autorité dans son camp, tiraillé à l'approche d'un remaniement gouvernemental prévu à l'automne et de l'élection présidentielle de 2012.

Depuis des mois, le gouvernement est plombé par une succession d'affaires, qui affaiblissent en particulier le ministre du Travail Eric Woerth, accusé de conflits d'intérêts lié à la femme la plus riche de France, Liliane Bettencourt, héritière du groupe L'Oréal.