La France est devenue hier le premier pays européen à interdire la burqa et le niqab dans tout l'espace public. Plus exactement, il sera désormais illégal de «dissimuler son visage», d'une manière ou d'une autre, non seulement dans les lieux officiels - hôpitaux, poste, mairies -, mais également dans les cafés, les parcs ou les transports.

Le Sénat a entériné en début de soirée le texte de loi adopté en juillet dernier par l'Assemblée nationale à l'unanimité des voix exprimées. La majorité des sénateurs socialistes, verts et communistes ont décidé de ne pas participer au scrutin, en raison de la «fragilité» constitutionnelle de la loi et de la difficulté de la faire appliquer sur le terrain. Le Conseil constitutionnel doit se prononcer à la mi-octobre sur la validité de la loi.

 

Comme le texte ne vise plus nommément la burqa, on pense qu'il pourrait être jugé constitutionnel. Passera-t-il par la suite le test - probable - de la Cour européenne des droits de l'homme? C'est moins sûr.

Stage de citoyenneté et prison

Beaucoup, en France, approuvent cette politique de fermeté. Par exemple, l'écrivain et journaliste Guy Konopnicki, éditorialiste à l'hebdomadaire Marianne: «En tant que républicain, j'ai toujours été partisan de cette interdiction totale. Tout comme le député-maire communiste de Vénissieux, près de Lyon, André Gérin. Je ne crois pas à une invalidation de la loi par le Conseil constitutionnel, sinon sur des détails. Et par la suite les policiers appliqueront la loi.»

La loi prévoit pour les femmes entièrement voilées - après une période de «médiation» de six mois - une amende de 22 à 150 (de 29$ à 200$) et un stage de «citoyenneté». Toute personne qui oblige une femme à se voiler encourt quant à elle une peine d'un an de prison.

En France, l'hostilité au voile intégral fait l'objet d'un très large consensus, à gauche comme à droite, et même chez des musulmans modérés, tel le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur.

Difficile à appliquer

Au printemps dernier, le Parlement français avait adopté à la quasi-unanimité une déclaration de principe hostile au voile intégral mais non contraignante. L'opportunité d'une loi en bonne et due forme et son applicabilité suscitent davantage de scepticisme.

«Dans la pratique, cette loi sera extrêmement difficile à appliquer, explique Stéphanie Le Bars, spécialiste du dossier au Monde. Les policiers forceront-ils la contrevenante à les suivre au commissariat pour identification? Et que faire si elle remet le voile aussitôt après avoir été verbalisée?»

«On voit mal les policiers prendre le risque de créer des incidents dans les quartiers dits sensibles, là où justement des femmes portent le voile intégral. D'autant plus que beaucoup de ces femmes voilées sont des militantes qui refuseront d'obtempérer», ajoute-t-elle.

Même scepticisme discret des policiers, qui se voient mal «faire du zèle». Quant à savoir qui fera appliquer cette loi dans les transports publics ou au bureau de poste... «En tout cas, pas les fonctionnaires ou les contrôleurs», dit-on de ce côté-là.