En apprenant dans le journal de lundi qu'un parti d'extrême droite avait raflé 20 sièges aux élections législatives suédoises, Thaher Pelaseyed a lancé un long soupir. Le jeune Suédois d'origine iranienne n'a pas été surpris, mais déçu de voir son pays d'adoption rattrapé par la vague anti-immigration qui balaye une grande partie de l'Europe.

«La Suède est juste 10 ans derrière la Norvège, la Suisse, le Danemark et la France», dit l'étudiant en médecine au bout du compte, en énumérant les pays européens qui ont vu des partis d'extrême droite gagner du terrain au cours des 15 dernières années.

Ces dernières semaines, le parti des Démocrates de Suède a mené une campagne axée uniquement sur l'immigration. Le chef, Jimmie Aakesson, tout juste âgé de 31 ans, a dit sur plusieurs tribunes que la hausse de l'immigration musulmane en Suède était la «plus grande menace depuis la Seconde Guerre mondiale».

Quelque 300 000 habitants du pays scandinave sont originaires de pays musulmans. La grande majorité d'entre eux sont des réfugiés politiques qui ont fui la guerre ou la persécution de régimes autoritaires.

Résultat marginal

Le discours électoral de Jimmie Aakesson a permis à son parti de rafler 5,7% du suffrage alors qu'il avait obtenu un score de 2,9% aux dernières élections.

En passant le seuil des 5%, les Démocrates suédois se sont automatiquement vu attribuer des sièges au Parlement. «Le système proportionnel facilite l'émergence de ce genre de parti», note Frédéric Mérand, professeur de sciences politiques à l'Université de Montréal, en notant que les partis marginaux ont beaucoup de difficulté à remporter des circonscriptions dans des systèmes électoraux comme ceux du Canada et de la Grande-Bretagne. «On doit noter cependant que 5,7% pour l'extrême droite, c'est le plus bas pourcentage dans toute l'Europe», ajoute le politologue.

Selon M. Mérand, la percée des Démocrates suédois n'aurait pas autant attiré l'attention si la coalition de centre droite, qui a remporté 49,2% du vote dimanche, ne se retrouvait pas minoritaire. Mais déjà, le premier ministre Fredrik Reinfeldt a affirmé publiquement que son parti, les Modérés, ne ferait pas d'alliance avec le parti de Jimmie Aakesson pour obtenir une majorité. Il a aussi promis d'exclure ses députés de tous les comités parlementaires.

Cette exclusion du parti d'extrême droite ne rassure pourtant pas tout le monde. Féministe engagée et journaliste, Haide Daragahi craint que cette marginalisation n'ait l'effet d'un boomerang. «Ils ont ainsi l'air d'être persécutés», dit celle qui vit en Suède depuis le début des années 80.

Selon l'intellectuelle d'origine iranienne, l'absence de réels programmes d'intégration des immigrants est à la base de la nouvelle popularité du mouvement xénophobe. «Quand les réfugiés arrivent, ils bénéficient tout de suite des politiques de l'État providence suédois. Une partie de la population pense qu'il y a des abus et que les immigrants ne paient pas d'impôt. Ça nourrit le ressentiment, surtout en période de crise économique», explique-t-elle. D'ailleurs, le parti de M. Akesson a préparé une publicité controversée dans laquelle une grand-mère, qui allait toucher sa pension, se faisait piétiner par une horde de femmes en burqa.

Nouveaux habits...

Ce n'est pas la première fois qu'un parti anti-immigration entre au Parlement suédois: en 1991, une autre organisation avait réussi la chose. «À l'époque, le climat était beaucoup plus violent en Suède contre les nouveaux arrivants. Il y a eu un tireur d'élite qui tuait des immigrants non européens. Il y a eu aussi des groupes néonazis qui ont brûlé des camps de réfugiés», se rappelle Thaher Pelaseyed, lui-même arrivé en Suède en 1991. Il note que plusieurs des membres des Démocrates de Suède ont des antécédents néonazis connus. «Ce sont les mêmes individus, mais aujourd'hui, au lieu de mettre le feu, ils portent des costumes.»

***

Immigration à la suédoise

Pays de 9 millions d'habitants avec une des plus basses croissances démographiques au monde, la Suède n'a pas une longue tradition d'immigration. Le pays scandinave a commencé à ouvrir ses portes aux réfugiés après l'adoption de la Convention de Genève en 1949. Le pays accepte depuis quelque 100 000 demandeurs d'asile par an. Aujourd'hui, un Suédois sur sept est né à l'étranger.- Laura-Julie Perreault