Conor Murphy ne s'en cache pas: il a posé des bombes. C'était au début des années 80, au plus fort des Troubles en Irlande du Nord, de la lutte acharnée de l'Armée républicaine irlandaise (IRA). Il a d'ailleurs été emprisonné pour ses activités terroristes.

Trente ans plus tard, les bombes ont cessé de terroriser quotidiennement les Nord-Irlandais, mais le passé revient régulièrement les hanter. Cette semaine encore, une voiture piégée a explosé à Derry. La police a attribué l'attentat à l'IRA véritable, branche radicale de dissidents refusant de déposer les armes.

Attablé à la table d'un pub irlandais montréalais, Conor Murphy réprouve les moyens utilisés par les terroristes. «Pour certaines personnes, c'est devenu un mode de vie. Ils sont impliqués dans des activités criminelles qu'ils essaient de déguiser en activités politiques. Mais ils n'ont pas d'appuis dans la population.»

Une solution politique existe aux problèmes nord-irlandais, dit-il. Aujourd'hui membre du parti politique Sinn Féin, il est ministre des Transports au Parlement nord-irlandais et député à la Chambre des communes britannique -où il ne siège pas par principe. De passage à Montréal, il donnera une conférence ce soir à l'Université Concordia.

Perception à l'étranger

«Parfois, à l'étranger, on croit que les problèmes sont résolus en Irlande du Nord...» C'est faux, dit-il, notamment à cause du contrôle exercé par les Britanniques dans les affaires de la région, comme l'imposition de taxes. «Je ne sais même pas quel sera mon budget du mois prochain jusqu'à ce que le Parlement britannique prenne une décision.»

L'Irlande du Nord appartient à l'Irlande, dit-il. Une plus grande part de pouvoirs politiques - comme celle dont bénéficient les provinces canadiennes - est insuffisante. L'appui à une réunification de l'Irlande est d'environ 50%, évalue-t-il, et une majorité simple à un référendum suffirait à réunir l'Eire.

«Nous devons persuader les gens que l'avenir sera meilleur avec l'Irlande», dit Conor Murphy. Traditionnellement, le lien économique avec l'Empire britannique et la peur de la république irlandaise catholique a exclu toute adhésion des loyalistes au projet républicain. «Mais l'argument économique ne tient plus, il n'y a plus de privilèges avec la Grande-Bretagne, et la relation entre le Nord et le Sud a pu éliminer certaines peurs. Les temps changent.»

Et Dublin?

Et l'Irlande? Tend-elle les bras vers le territoire britannique? Conor Murphy secoue la tête: Dublin n'en fait pas assez, dit-il. «Tous les partis du Sud sont favorables à une réunification. Nous sommes d'avis que leur gouvernement devrait commencer les préparatifs en ce sens. Il y a deux monnaies dans l'île - l'euro et la livre sterling - et deux régimes d'imposition. Beaucoup de choses doivent être faites pour faire tomber les barrières.»

Les rumeurs ont récemment voulu que Conor Murphy succède à Gerry Adams à la tête du Sinn Féin. Il sourit et balaie la question. «Je ne suis pas intéressé», dit-il. Le poste de leader du parti n'étant pas libre, il confirme néanmoins son intention de se présenter aux prochaines élections nord-irlandaises, au printemps prochain.