À 37 ans, elle est une figure montante de la politique française. Certains la voient même nommée au gouvernement de Nicolas Sarkozy. Mais Jeannette Bougrab balaie les rumeurs: son combat pour l'équité des femmes, elle le mènera ailleurs qu'à l'Assemblée nationale. Nous l'avons rencontrée la semaine dernière lors de son passage à Montréal.

Jeannette Bougrab fouille dans son sac et en ressort un document officiel français portant sa photo. Le détenteur de ce passe-partout, est-il indiqué, doit pouvoir circuler sans contrainte pour l'exercice de ses fonctions. C'est ce qu'elle a brandi au nez d'un policier français il y a 15 jours à peine, lorsque ce dernier lui a interdit de franchir un barrage. En vain.

La présidente de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) est née à Châteauroux, à quelque 270 km au sud de Paris. Mais son teint légèrement basané, ses yeux et ses cheveux noirs comme le charbon ne passent pas aussi inaperçus que les traits d'un autre Français pur beurre. «J'ai le droit à des contrôles de faciès, on me demande mes papiers», dit cette fille de harkis, des Algériens ayant combattu aux côtés de la France lors de la guerre d'indépendance. «La différence est que lorsque j'étais plus jeune, je baissais la tête.»

Jeannette Bougrab, 37 ans, diplômée en droit à la Sorbonne, a représenté le parti UMP lors de l'élection de son chef, Nicolas Sarkozy, à la présidence en 2007. Défaite dans sa circonscription, elle a été nommée au printemps à la Halde, une autorité administrative indépendante de l'État français qui enquête sur les plaintes en matière de discrimination.

De passage au Québec la semaine dernière, Mme Bougrab a rencontré des homologues québécois donc ceux de la Commission des droits de la personne.

La laïcité «non négociable»

Si elle croit que son organisme a beaucoup à apprendre du traitement rapide des plaintes au Québec, elle se hérisse lorsqu'il est question de multiculturalisme ou d'accommodements raisonnables. Elle appuie sans réserve les mesures adoptées par la France pour bannir le port de signes religieux à l'école publique ou le port de la burqa sur le territoire. «Le principe d'égalité entre les hommes et les femmes est non négociable. La laïcité aussi.»

«On assiste à un recul du droit des femmes dans le monde entier. Regardez en Iran, Sakineh qui va être lapidée. Ou cette fille de 10 ans, mariée de force au Yémen, qui va demander le divorce. Et en France, ou au Canada, on va accepter de vivre confortablement pendant que d'autres continuent de se battre? On est des enfants gâtés! On ne connaît pas le prix de la liberté.»

Les dernières rumeurs de remaniement ministériel en France l'envoient au cabinet du président Sarkozy. Elle les balaie: elle a été nommée pour cinq ans à la Halde et c'est là qu'elle a l'intention de mener son combat pour les femmes.

D'ailleurs, souligne-t-elle, les féministes ont encore du boulot en France. Il y a un «réel décalage» entre l'image du pays d'égalité que présente la France et la réalité. Écarts de salaire, faible représentation des femmes dans les hautes sphères du pouvoir... «La France est restée un pays assez machiste, dit-elle. Quand j'explique à des journalistes français qu'on a du travail à faire sur la question des femmes, ils ont l'impression que je fais ma coquette.»

UNE PRÉSIDENTE AU FRONT

Aujourd'hui à Paris, Jeannette Bougrab ainsi que la féministe et auteure Élisabeth Badinter témoigneront toutes deux en faveur d'une garderie qui a congédié une employée qui refusait de retirer son voile islamique pour travailler. En mars dernier, la Halde avait pourtant donné raison à l'employée qui s'était plainte de discrimination. La loi française proscrit le port de signes religieux dans les services publics. La garderie, qui reçoit des fonds publics, est-elle une «activité de service public et donc astreinte à la neutralité?» demande la présidente. C'est beaucoup plus qu'une question administrative, ditelle. C'est un «principe fondamental de notre République qui est la laïcité».