Par un beau samedi de la fin octobre, Sergueï Sobianine décide d'aller se balader dans la ville qu'il dirige depuis quelques jours à peine. Près de la station de métro Rue-de-l'année-1905, il s'emporte: les stands et les cantines, sur le trottoir, rendent difficile l'accès au métro et à un monument historique. Il renvoie sur-le-champ le chef du conseil d'arrondissement, puis celui d'un autre district dans la même journée.

Le message a passé. Dès le début de la semaine, les fonctionnaires, apeurés à l'idée de perdre leur emploi, distribuent des préavis à des centaines de petits commerçants: ils ont de 24 à 48 heures pour plier bagage, sinon leur stand sera démantelé. La loi moscovite prévoit pourtant un avertissement préalable de deux semaines. Mais, en pratique, la volonté du maire prime souvent la loi.

La technique n'a rien de nouveau en Russie. Depuis 10 ans, l'ancien président et actuel premier ministre Vladimir Poutine dirige à coup de congédiements. Chaque problème trouve son responsable, qui perd son poste ou, avec un peu de chance, est simplement réprimandé par l'homme fort du pays devant les caméras de télévision. Lorsque la situation l'exige, les lois sont rangées au placard.

Sergueï Sobianine a longtemps été aux premières loges pour apprendre la leçon: avant d'être nommé à la mairie de la capitale - l'élection à ce poste a été abolie en 2004 -, il était chef de cabinet de Poutine depuis cinq ans.

Longtemps homme de l'ombre, le fonctionnaire de 52 ans originaire de Sibérie est devenu personnalité publique du jour au lendemain, tout comme, en leur temps, Poutine et Medvedev, d'obscurs inconnus propulsés à l'avant-scène par leur prédécesseur.

«Le pluralisme à la télévision d'État a augmenté précisément du tiers au cours des dernières semaines», a raillé mardi un chroniqueur du Moscow Times, journal anglophone de la capitale. «Jusqu'à récemment, les téléspectateurs pouvaient être certains qu'il y avait deux personnes parfaites en Russie: le président, Dmitri Medvedev, et le premier ministre, Vladimir Poutine. Maintenant, il y en a une troisième: le maire Sergueï Sobianine», écrit Alexeï Pankine.

Du balai

Les principaux points de son programme font l'unanimité: lutte contre les embouteillages monstres qui paralysent la capitale, lutte contre la corruption, embellissement du paysage urbain, défiguré par les projets excentriques du maire précédent, Iouri Loujkov, au pouvoir durant 18 ans.

Mais tous ne sont pas d'accord avec les méthodes autoritaires du nouveau maire, qui a notamment interdit l'accès à l'hôtel de ville aux médias... sauf à la télévision officielle de la capitale.

Les petits commerçants grognent. Si certains des stands démantelés au cours des derniers jours étaient installés illégalement sur les trottoirs, d'autres ont fait les frais de l'excès de zèle des fonctionnaires qui voulaient sauver leur peau. Plusieurs commerces qui possédaient toutes les autorisations ont été démontés. Le maire a même dû freiner ses subalternes qui ont mal interprété ses ordres et qui s'apprêtaient à en finir avec les kiosques à journaux...

Le prédécesseur de Sobianine avait lui aussi essayé d'éliminer les petits commerces de rue. Mais il avait été rattrapé par la réalité: après les rafles, les commerçants finissaient par retrouver les permissions perdues en soudoyant les fonctionnaires.

Idem pour les problèmes d'embouteillage. Sous Iouri Loujkov, les plans pour les régler ont tous échoué.

En éditorial, le journal libéral en ligne Gazeta.ru morigène le maire: «Les gestes expéditifs ne constituent pas une méthode judicieuse pour diriger une mégapole. Ce qu'il faut, c'est un travail quotidien, routinier, ponctuel, intelligent et méticuleux.»