Leur film a été vu en première mondiale au prestigieux festival Sundance. A croulé sous les prix en Norvège. Mais dans leur pays d'origine, la Russie, aucune chaîne de télévision n'a voulu diffuser Les leçons russes, que les documentaristes Olga Konskaya et Andreï Nekrasov ont tiré de la guerre russo-géorgienne de l'été 2008.

Il faut dire que dans leur documentaire de près de deux heures, tourné des deux côtés de la ligne de front, le couple de cinéastes s'évertue à démontrer comment une tonne de fausses informations, fournies par l'armée russe, ont été diffusées à la télévision par leurs compatriotes, mais aussi par la BBC et d'autres médias internationaux pendant le conflit. De la désinformation qui a permis à la Russie de prendre possession d'une partie de la Géorgie, un pays souverain, estime aujourd'hui Andreï Nekrasov, joint à Saint-Pétersbourg.

 

Images comparées

Reprenant des images des chaînes d'information russes et les comparant à celles qu'ils ont eux-mêmes tournées, les cinéastes démontrent comment des victimes géorgiennes de bombardements russes sur la ville de Gori ont été présentées comme étant des victimes d'une attaque géorgienne sur la petite république séparatiste d'Ossétie du Sud.

Les documentaristes remettent aussi en cause la version des faits mise de l'avant par l'armée russe pour justifier le début de la guerre. Cette dernière prétendait devoir attaquer la Géorgie après que les forces armées géorgiennes eurent tué 2000 civils à Tskhinvali, chef-lieu de l'Ossétie du Sud. «Non seulement le chiffre de 2000 n'est pas correct, mais c'est un mensonge pur et dur. Selon nos vérifications, il y a eu entre 100 et 200 morts et la plupart n'étaient pas des civils, mais des combattants», remarque aujourd'hui Andreï Nekrasov, en notant que la plupart des femmes et des enfants avaient été secrètement évacués de la région ossète avant le début des affrontements. «Mais du côté géorgien, nous avons vu de véritables victimes civiles, mortes pendant les bombardements russes», soutient-il.

Dur combat

Le couple Nekrasov-Konskaya a consacré plusieurs films au contrôle de l'information depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. L'un d'eux, relatant l'assassinat de l'agent-secret-devenu-journaliste Alexandre Litvinenko, a remporté les honneurs au Festival de Cannes.

Mais tout comme Les leçons russes, présenté cette semaine aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal, les films contestataires du duo n'ont pas trouvé de diffuseur en Russie, mais ont plutôt été vus sur le web et lors de projections privées. «Nos films ont été vus par des convertis, mais ont eu un impact sur l'opposition grandissante au régime Poutine», explique Andreï Nekrasov, qui est aujourd'hui une des figures de proue de ce mouvement de contestation.

Son épouse, Olga Konskaya, actrice et productrice accomplie, était aussi une ardente militante des droits de l'homme. Elle a succombé au cancer à 44 ans alors qu'elle travaillait au montage des Leçons russes, le premier film dont elle assumait la réalisation.