La Douma russe a admis vendredi que le massacre de milliers d'officiers polonais en 1940 à Katyn avait été ordonné par Staline, première reconnaissance officielle aussi claire de la responsabilité du régime soviétique, à un moment où Moscou et Varsovie sont en phase de rapprochement.

«Les documents publiés, restés de nombreuses années dans les archives secrètes, ne font pas que dévoiler l'ampleur de cette terrible tragédie, mais témoignent aussi du fait que le crime de Katyn a été commis sur l'ordre personnel de Staline et d'autres dirigeants soviétiques», indique la déclaration adoptée vendredi par la Douma (chambre basse du Parlement).

Le texte a été adopté pendant une session inhabituellement houleuse, en raison de l'opposition du parti communiste qui continue de nier la responsabilité du dictateur soviétique dans ce massacre.

Mais l'assemblée dominée par le parti proche du Kremlin Russie unie a adopté le texte, qui exprime pour la première fois de manière officielle et aussi claire ce qui a été révélé par les archives publiées cette année, 60 ans après les faits, par les autorités russes.

«La responsabilité de ce méfait a été imputée dans la propagande soviétique aux criminels nazis», ce qui a entretenu «la colère, l'amertume et la défiance du peuple polonais», ajoute le texte de la déclaration.

Le Parlement russe exprime «sa compassion profonde à toutes les victimes de cette répression injustifiée, à leurs familles et leurs proches».

«C'est un texte historique pour les relations russo-polonaises, mais il l'est encore plus pour nous-mêmes», a commenté le chef de la commission parlementaire aux Affaires étrangères, Konstantin Kossatchev.

L'ONG russe Mémorial, fondée pour mettre au jour l'étendue des crimes staliniens et en recenser les victimes, a jugé de son côté qu'il s'agissait d'un «grand pas en avant».

«La Douma a enfin décidé de reconnaître officiellement des faits qui étaient connus du monde entier depuis longtemps», a déclaré Ian Ratchinski, un dirigeant de l'ONG.

Les députés communistes ont de leur côté dénoncé une déclaration qui constitue selon eux «une falsification des événements historiques et une révision des conclusions du tribunal de Nuremberg», et tenté en vain d'en faire retirer les références à Staline et à la direction soviétique.

À la suite de l'invasion par l'URSS en septembre 1939 des régions polonaises de l'Est, en vertu du pacte germano-soviétique, 22 000 officiers polonais, prisonniers de l'Armée rouge, avaient été abattus dans la forêt de Katyn et à Mednoïe (Russie), ainsi qu'à Kharkiv (Ukraine).

Pendant des décennies, l'Union soviétique a accusé les nazis d'avoir commis ces assassinats. Ce n'est qu'en avril 1990 que le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev a reconnu la responsabilité de son pays dans ce massacre.

Entreprenant de relancer ses relations avec Varsovie, le Kremlin a fait mettre en ligne cette année des documents sur cette tragédie, et la justice russe a remis à la Pologne des dizaines de tomes d'archives.

Le président de la Diète (chambre basse) polonaise, Grzegorz Schetyna, a salué «un pas dans la bonne direction et un signe important» avant la visite du président russe Dmitri Medvedev en Pologne le 6 décembre.

C'est en se rendant à Katyn pour une cérémonie que le président polonais Lech Kaczynski est mort le 10 avril dans l'accident de son avion, avec 95 autres personnes, dans l'ouest de la Russie.

Cette tragédie avait montré la persistance du ressentiment en Pologne, Jaroslaw Kaczynski, le frère jumeau du défunt président, ayant notamment annoncé avoir «refusé» les condoléances présentées par le Premier ministre russe Vladimir Poutine.

Photo AFP

Photo datant de 1943. Les corps des officiers polonais sont déterrés d'une fosse commune.