Sous le choc et embarrassées, les diplomaties mondiales cherchaient lundi à organiser la riposte, au lendemain de la divulgation par des médias d'une partie du contenu de 250 000 câbles diplomatiques américains récupérés par le site WikiLeaks.

Appel du roi Abdallah d'Arabie saoudite aux États-Unis pour qu'ils attaquent l'Iran, informations selon lesquelles ce pays a obtenu auprès de la Corée du Nord des missiles très performants, jugements peu flatteurs sur les principaux dirigeants mondiaux... les documents ont déclenché une onde de choc aux conséquences encore imprévisibles.

Alors que les premières fuites de WikiLeaks, en juillet sur l'Afghanistan et en octobre sur l'Irak, contenaient peu d'importantes révélations, ces documents jettent une lumière crue sur les coulisses de la diplomatie. À tel point que le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini a dit craindre un «11-Septembre de la diplomatie mondiale», faisant «sauter tous les rapports de confiance entre les États».

Les partenaires de Washington reprenaient lundi la position défendue par la Maison-Blanche, qui a dénoncé une publication «irresponsable et dangereuse» qui pourrait faire courir des risques mortels à des individus, tout en relativisant la portée des documents.

Londres a condamné «toute publication non autorisée d'informations classifiées» pouvant «mettre à mal la sécurité nationale», tandis que le ministre italien de la Défense, Ignazio La Russa, a qualifié lundi les documents de «piètres ragots».

L'Allemagne a jugé que ses relations avec les États-Unis «ne devraient pas être endommagées sérieusement», de même que l'Afghanistan, en dépit de documents décrivant le président Hamid Karzaï comme «faible» et son frère Ahmed Wali comme un baron de la drogue corrompu.

La France s'est refusée à confirmer «aucun des propos attribués à des autorités et des diplomates français» et a déploré la divulgation «délibérée et irresponsable» des documents, «susceptible de nuire à la résolution de questions essentielles».

Si l'ONU n'a pas voulu commenter directement la collecte d'informations par les diplomates américains sur ses fonctionnaires, le chef de la diplomatie belge, Steven Vanackere, a critiqué une «confusion entre le travail diplomatique et l'espionnage».

La Russie -qualifiée d'«état mafieux virtuel»- éprouve du «regret» après ces fuites, mais n'en fait pas une «tragédie».

Au Proche-Orient, un haut responsable israélien estime qu'Israël «s'en tire à très bon compte», les fuites confirmant la position officielle d'Israël en faveur d'une grande fermeté à l'égard de Téhéran.

Plus gênant, les documents révèlent la très grande inquiétude des pays arabes, Arabie saoudite en tête, face au programme nucléaire iranien. Et de multiples demandes du roi Abdallah pour que les Américains engagent une action militaire contre Téhéran, afin de «couper la tête du serpent» auquel il compare l'Iran.

Ces informations sont susceptibles de créer de nouvelles tensions dans la région.

Et les alliés arabes des États-Unis dans le Golfe gardaient lundi un silence embarrassé face à des révélations dévoilant leur double langage: d'une part, des appels publics à un règlement politique avec l'Iran et d'autre part, des entretiens privés poussant les responsables américains à l'option militaire.

«Tout cela est très négatif. Ce n'est pas bon pour bâtir la confiance», a réagi un conseiller gouvernemental saoudien sous couvert de l'anonymat.

Ces derniers jours, la diplomatie américaine avait tenté de limiter les dégâts en alertant plus d'une dizaine de pays, afin de préparer leurs gouvernements.

«La fuite des câbles américains déclenche une crise diplomatique mondiale», affirmait même lundi The Guardian (Grande-Bretagne), qui a eu accès aux documents de WikiLeaks, comme quatre titres de référence de la presse mondiale.

WikiLeaks affirme avoir voulu souligner la «contradiction» entre la position officielle américaine et «ce qui se dit derrière les portes closes».

Ainsi, Nicolas Sarkozy est décrit comme «susceptible et autoritaire», Silvio Berlusconi comme «irresponsable», Angela Merkel comme faisant «rarement preuve d'imagination» et Vladimir Poutine est qualifié de «mâle dominant».