Un élu socialiste outré qui demandait au gouvernement français d'intervenir pour forcer le président à ne plus «malmener» la langue du pays vient se de faire opposer une fin de non-recevoir.

Le député de l'Eure, François Loncle, a exigé en février 2010 du ministre de l'Éducation, Luc Chatel, qu'il prenne «les dispositions nécessaires» pour corriger Nicolas Sarkozy et faire cesser ces «atteintes à la culture de notre pays et à sa réputation dans le monde».

Le chef d'État, a alors indiqué le député, éprouve «maintes difficultés» à pratiquer la langue française, «malmenant le vocabulaire et la syntaxe, omettant les accords» tout en s'aventurant volontairement ou involontairement «à employer des termes et formulations vulgaires» dans ses sorties publiques.

La demande de M. Loncle, plutôt inhabituelle de son propre aveu, est restée sans réponse pendant plusieurs mois jusqu'à ce qu'il relance le ministre en octobre. Il a finalement reçu une réponse écrite en décembre qui a été rendue publique au début de la semaine.

«Qualités rhétoriques»

D'emblée, le ministre Chatel relève que le président a montré en de nombreuses circonstances «de grandes qualités rhétoriques, telles que la force expressive, la conviction, l'à-propos, la répartie ou la puissance d'évocation».

Il souligne par ailleurs que le chef d'État «parle clair et vrai, refusant un style amphigourique et les circonvolutions syntaxiques qui perdent l'auditeur et le citoyen».

«Juger de son expression en puriste, c'est donc non seulement lui intenter un injuste procès, mais aussi ignorer son sens de la proximité. Ses paroles relèvent de la spontanéité et, au contraire d'un calcul, sont le signe d'une grande sincérité», conclut le ministre.

«Luc Chatel reconnaît que le président s'exprime mal et lui donne toutes les excuses possibles par rapport à sa façon de parler», a déploré hier en entrevue le député socialiste, qui juge les arguments avancés «contestables» et «risibles».

«M. Sarkozy manque d'éducation et de culture par rapport à ces cinq prédécesseurs. Il ne s'est pas adapté à sa fonction», a-t-il dit.

Le député socialiste n'est pas le premier à s'offenser du niveau de langage du président, qui avait soulevé une vive controverse il y a quelques années en lançant «Casse-toi, pauv' con» à un visiteur du Salon de l'agriculture ayant refusé de lui serrer la main.

Dans une lettre ouverte parue au début de 2009 sous le titre «Sarkosy m'à tuer», Barbara Cassin, philologue, a fustigé les errements linguistiques du chef d'État. Elle a notamment relevé que certains de ses discours comportaient des erreurs «qu'on ne tolère pas en classe puisqu'elles sont le signe que l'élève ne comprend pas le mécanisme de la langue».

Démagogie?

Elle a par ailleurs demandé si ces ratés apparents visaient en fait à faciliter un rapprochement avec la population. «"Je" parle comme "eux", j'écris aussi mal qu'eux: ils croiront que je pense comme eux, ils penseront comme moi», a résumé la chercheuse.

M. Loncle pense que les écarts du président tiennent à la fois de sa maîtrise imparfaite de la langue et de sa volonté «démagogique» de ne pas paraître trop élitiste.

«C'est totalement contreproductif (comme stratégie) en France», a relevé le député socialiste, qui dit avoir constaté une légère amélioration dans les interventions publiques du chef d'État au cours des derniers mois.

«Il se peut qu'il fasse davantage attention à son image dans la perspective de l'élection (présidentielle) de 2012 et la langue fait partie de l'image. Mais avec lui, le naturel reprend souvent le dessus», a prévenu M. Loncle.