L'histoire de Mark Kennedy, alias Mark Stone, est de celles qui font accourir les producteurs de Hollywood: un policier infiltré dans le milieu militant pendant sept ans joue si bien son rôle qu'il se fait prendre à son propre jeu. En témoignant en faveur de six environnementalistes, il fait voler en éclats les accusations et met à nu les stratagèmes de Scotland Yard pour déstabiliser des groupes «extrémistes». Le récit de notre journaliste.

Cheveux longs, boucles d'oreilles, tatouages, le policier Mark Kennedy avait la tête de l'emploi quand il s'est présenté à un rassemblement militant, en août 2003, dans le nord de l'Angleterre.

Sous le nom d'emprunt de Mark Stone, l'agent secret met à la disposition des écolos du groupe Earth First sa camionnette et ses talents d'alpiniste, un atout pour installer des banderoles dans les manifestations.

Commence alors pour l'informateur de 33 ans une double vie mouvementée qui l'amènera notamment à s'enchaîner aux grilles d'une centrale nucléaire et à escalader une grue devant une centrale au charbon.

Son implication dépasse rapidement les frontières britanniques. Muni d'un faux passeport, il tisse des liens avec l'Irlande et l'Islande, où il offre des cours de désobéissance civile. La «taupe» fraie également avec des antifascistes allemands, espagnols et italiens. Il visite 22 pays en tout.

Son zèle finit par éveiller les soupçons. Des amis découvrent son vrai passeport en 2010. Mark Stone-Kennedy se confesse et révèle qu'il y a une autre espionne dans leurs rangs. Pour se faire pardonner, il propose de témoigner en faveur de six militants accusés de planifier l'occupation d'une centrale au charbon.

En retournant sa veste du côté vert, l'informateur, qui a depuis quitté la police et le pays, a fait avorter le procès lundi dernier.

Provocation, sexe et cinéma

Embarrassée par ce fiasco, Scotland Yard est accusée de disséminer des agents provocateurs dans les réseaux militants.

Car Mark Kennedy n'était pas qu'un simple observateur, fait remarquer Dan Glass, un écologiste qui l'a côtoyé. «Il était une figure-clé qui encourageait les actions d'éclat», dit le porte-parole de Plane Stupid à La Presse.

Ni la police ni la classe politique ne se sont prononcées sur cette affaire. Du moins en Grande-Bretagne. En Allemagne, deux députés de gauche ont demandé hier au gouvernement d'Angela Merkel de révéler la nature exacte de l'infiltration de Mark Kennedy dans les groupes antifascistes et de vérifier s'il avait joué un rôle dans des poursuites judiciaires en sol allemand.

Les militants préparent aussi leur revanche. Les anciennes maîtresses de l'informateur auraient assez de munitions pour poursuivre la police britannique. «Si elles peuvent prouver qu'il cherchait à leur soutirer de l'information, elles ont un dossier solide», a dit l'avocat Stephen Cragg à The Guardian.

La double trahison de Mark Kennedy pourrait être portée à l'écran. Des producteurs cinématographiques ont pris contact avec ses anciens amis, selon le Daily Telegraph. Une maison d'édition recherche également Mark Kennedy, qui s'est dit «rongé de remords» dans une conversation enregistrée à son insu par un militant écologiste.