Le Front national a officiellement remplacé hier son sulfureux chef historique, Jean-Marie Le Pen, par sa fille Marine.

La nouvelle présidente de la formation d'extrême droite, en hausse dans les sondages, a reçu l'appui de près de 70% des militants consultés, devançant facilement son seul adversaire, Bruno Gollnisch.

«Les plus beaux jours sont ceux que nous allons vivre», a annoncé triomphalement la politicienne de 42 ans lors du discours de clôture du congrès du parti, qui se déroulait depuis deux jours à Tours.

Elle a affirmé que les élections cantonales prévues au printemps seraient la «première étape» de la marche vers le pouvoir du Front national, qui fait de la lutte contre l'immigration et l'insécurité ainsi que de la défense de l'identité française de bataille ses thèmes de prédilection.

«Notre nation est en proie à la dislocation (...). Nos valeurs de civilisation, nos traditions, comme nos modes de vie ou nos coutumes, sont contestés dans de nombreux endroits: dans les écoles, dans les lieux publics, dans des quartiers entiers», a déclaré Mme Le Pen, après avoir salué le «fair-play» de son adversaire.

M. Gollnisch, collaborateur de longue date de Jean-Marie Le Pen, a indiqué qu'il avait refusé le poste de premier vice-président, préférant laisser les «coudées franches» à une nouvelle équipe.

La veille, les deux candidats ont écouté avec émotion le discours du président sortant du Front national, qui a repris ses thèmes populistes de prédilection dans un discours fustigeant «la déchéance» de la France.

Jean-Marie Le Pen a affirmé que sa formation avait fait l'objet par le passé d'une «véritable persécution judiciaire et médiatique orchestrée par la police de la pensée».

Le fondateur du Front national, âgé de 82 ans, a multiplié les controverses au fil des ans et s'est souvent retrouvé devant les tribunaux pour des déclarations racistes ou antisémites.

Il a connu son moment de gloire en 2002 en arrivant second au premier tour de l'élection présidentielle. Le candidat de la droite traditionnelle, Jacques Chirac, l'avait écrasé au second tour.

La formation avait fortement chuté en 2007 après que le futur gagnant du scrutin présidentiel, Nicolas Sarkozy, eut ouvertement courtisé les électeurs de l'extrême droite par un discours musclé sur l'immigration. Elle a rebondi aux élections régionales de 2010, profitant du climat de morosité qui règne dans le pays et de la désaffection envers le chef d'État.

Marine Le Pen, qui est souvent invitée par les médias du pays, évite généralement les déclarations à l'emporte-pièce associées à son père. Elle n'en martèle pas moins les mêmes thèmes.

Selon un récent sondage, elle remporterait près de 18% des voix au premier tour de l'élection présidentielle, prévue en 2012. Ses idées sont notamment appréciées par une fraction croissante des membres de l'UMP, parti du président Sarkozy.

Vives réactions

La victoire de la benjamine de Jean-Marie Le Pen a suscité une mise en garde immédiate de l'UMP. «C'est toujours la même extrême droite, toujours le même Front national», a déclaré le ministre du Travail, Xavier Bertrand.

La politicienne d'extrême droite «exacerbe» les peurs et les haines sans avoir «la moindre solution aux problèmes auxquels font face les Français», a relevé M. Bertrand, qui exclut toute alliance avec l'extrême droite.

Il y a quelques mois, des élus de l'UMP avaient évoqué la possibilité de procéder à des alliances stratégiques avec le Front national mais s'étaient vu rapidement rappelés à l'ordre.

Du côté du Parti socialiste, l'heure était aussi aux avertissements hier. «L'emballage est plus séduisant parce que c'est une femme. Mais quand on regarde les thèses du Front national version Mme Le Pen, elles sont extrêmement violentes», a noté l'ancien premier ministre Laurent Fabius.

L'ex-candidate présidentielle Ségolène Royal a souligné que la nouvelle chef de l'extrême droite était une candidate «plus crédible et plus dangereuse» que son père.

«Face au Front national, les socialistes doivent être en ordre de marche», a prévenu la politicienne, qui entend participer à l'automne aux primaires prévues pour désigner le candidat de la formation de gauche. Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Khan, est donné favori pour l'instant par les sondages.