La loi interdisant le port du voile intégral dans l'espace public est officiellement entrée en vigueur, hier, en France, où deux femmes portant le niqab ont été appréhendées par les autorités à l'issue d'une manifestation tenue devant la cathédrale Notre-Dame.

Le commissaire divisionnaire à l'ordre public, Alexis Marsan, a indiqué que les arrestations ne découlaient pas de la tenue vestimentaire des personnes interpellées, mais du fait qu'elles n'avaient pas respecté la procédure de «déclaration de manifestation» prévue pour ce type d'action.

«Nous n'empêcherons pas les gens de manifester, on est dans un État de droit, un État démocratique», a souligné M. Marsan.

Les deux femmes appréhendées devaient participer, avec une poignée d'autres manifestants, à une «prière silencieuse pour la liberté» organisée par un riche entrepreneur, Rachid Nekkaz. Bien qu'il se dise opposé au voile intégral, cet homme d'affaires peu connu pense que l'État va trop loin en cherchant à en interdire le port dans la rue.

Son avis est partagé par Kenza Drider, une des femmes arrêtées hier à Paris. Cette mère de famille d'Avignon, qui affirme avoir choisi de porter le niqab de son propre chef il y a 13 ans, avait pris le train pour se rendre dans la capitale le matin en bravant ouvertement la loi.

«C'est une atteinte à mes droits européens, je ne fais que les défendre», répète-t-elle dans ses entrevues aux médias.

Long débat

Bien que la loi vise officiellement à «interdire la dissimulation du visage dans l'espace public» et ne cible pas explicitement la communauté musulmane, elle a été adoptée à l'issue d'un long débat portant sur le voile intégral.

Le texte approuvé en octobre stipule que la dissimulation du visage «porte atteinte aux exigences minimales de la vie en société» et place «les personnes concernées dans une situation d'exclusion et d'infériorité incompatible avec les principes de liberté, d'égalité et de dignité» défendues par la République française.

Les personnes qui refusent de dévoiler leur visage dans l'espace public, que ce soit dans la rue, dans les transports communs, les jardins, les banques, les gares ou encore les aéroports, s'exposent à une amende de 150 (207$) et à un cours de citoyenneté.

La loi prévoit, par ailleurs, une amende pouvant atteindre jusqu'à 30 000 (41 400$) et une peine d'emprisonnement d'un an pour toute personne qui en contraint une autre à dissimuler son visage.

Dans une circulaire diffusée il y a quelques semaines, le ministre de l'Immigration, Claude Guéant, explique que les policiers ne doivent jamais contraindre par la force les personnes appréhendées sur la place publique à divulguer leur identité en vue de les verbaliser. Si elles refusent d'obtempérer, elles pourront être amenées au commissariat de police pour être interrogées plus avant, mais le processus ne doit pas durer plus de quatre heures.

Hier, le secrétaire général adjoint du Syndicat des commissaires de police, Emmanuel Roux, a déclaré sur les ondes de France Inter que la loi serait «infiniment difficile à appliquer» et «infiniment peu appliquée».

La classe politique française, qui a longuement débattu de la loi dans les mois précédant son adoption, est demeurée très discrète sur le sujet hier. Son entrée en vigueur survient moins d'une semaine après l'organisation, par le parti de la majorité, d'un débat controversé sur la laïcité. Plusieurs organisations religieuses ont boycotté l'exercice en arguant qu'il visait à stigmatiser la communauté musulmane du pays.