Le pape Jean Paul II a été proclamé bienheureux dimanche par son successeur Benoît XVI, sous les vivats de la foule au Vatican au cours d'une cérémonie suivie par des millions de fidèles à travers le monde.

«Nous, accueillant le désir de nombreux fidèles, acceptons que le vénérable serviteur de Dieu, Jean Paul II, pape, puisse être déclaré bienheureux». À ces mots de Benoît XVI, prononcés en latin, une immense clameur s'est élevée sur la place Saint-Pierre, les fidèles applaudissant à tout rompre sous un grand soleil, tandis que d'autres s'agenouillaient sur les durs pavés de la place.

Aussitôt une grande photo de Karol Wojtyla, prise bien avant sa déchéance physique due à la maladie, a été dévoilée devant la foule de fidèles parfois en larmes, dont certains ont crié «Santo Subito» («saint tout de suite»).

Pour que le pape devienne un saint, il faut que soit reconnu un second miracle dans le cadre d'un procès en canonisation, ce qui pourrait se faire «d'ici quelques années», a affirmé dans la soirée le numéro deux du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone.

Portant mitre et chasuble ayant appartenu au pape polonais, Benoît XVI a fixé au 22 octobre, anniversaire de l'accession de son prédécesseur à la papauté, la date pour la «vénération» du «bienheureux» auquel un autre miracle devra être attribué pour qu'il puisse accéder à la sainteté.

Dans son homélie, Benoît XVI a rendu hommage à la «force de géant» de son prédécesseur qui sut «redonner l'espoir au christianisme» face au marxisme et «inverser une tendance qui semblait irréversible». Il a aussi évoqué sa longue agonie et «son témoignage dans la souffrance».

Les moments forts de la vie du pape défunt ont été rappelés, dont son pontificat de plus d'un quart de siècle (de 1978 à 2005), l'un des plus longs de l'histoire de l'Église catholique.

La préfecture de Rome a évalué à «plus d'un million» le nombre de fidèles présents pour la cérémonie dans la capitale, dont des centaines de milliers Place Saint-Pierre et dans les rues adjacentes, inconditionnels de celui que certains surnomment déjà «Karol le grand» et considèrent comme un «saint».

Victimes de la chaleur et de la fatigue, 280 personnes ont eu des malaises. Le cardinal espagnol Agustin Garcia Gasco Vicente, ancien archevêque de Valence, est décédé d'un infarctus peu avant la cérémonie à laquelle il était venu assister.

Les Polonais étaient omniprésents --quelque 80 000--, avec drapeaux et banderoles. «Il nous a donné la liberté contre le communisme», témoignait  Fabrizio, un frère dominicain polono-italien. Mais aussi beaucoup d'Italiens, d'Espagnols et de Français (plus de 40 000) portant fanions et ombrelles aux couleurs vaticanes (jaune et blanc), venus remercier le défunt pape «de toutes ses bonnes actions».

Cette fête permet à l'Église catholique --plus d'un milliard de fidèles dans le monde-- de réaffirmer sa confiance en elle alors qu'elle est ébranlée par un grave scandale de pédophilie. Un scandale sur lequel Karol Wojtyla est accusé d'avoir fermé les yeux ou de ne pas avoir réagi suffisamment, par un réflexe de défense de l'institution.

La cérémonie était retransmise sur les télévisions du monde entier et suivie en direct sur écran géant dans de nombreux pays, notamment en Pologne et au Mexique. Aux Philippines, des millions de catholiques ont célébré l'événement dans tout le pays.

Les chrétiens de Terre Sainte ont célébré l'événement avec une messe à Béthléem, la ville de naissance du Christ, en Cisjordanie, en présence du Premier ministre palestinien Salam Fayyad.

Ce dernier a repris la célèbre exhortation du pape «N'ayez pas peur» à l'adresse des Palestiniens assemblés, en parlant de la réconciliation entre les deux frères ennemis du mouvement national palestinien, le Fatah et le Hamas.

À Lourdes, qui revêtait une importance particulière pour Karol Wojtyla, 20 000 personnes ont acclamé la béatification de ce «pèlerin» venu deux fois dans la cité mariale.

À l'issue de la cérémonie, Benoît XVI a ouvert la procession devant le cercueil du pape défunt, porté des Grottes vaticanes devant l'autel principal. Le défilé se poursuivait à 18h30 GMT (14h30, heure de Montréal) et pourrait s'étirer jusque tard dans la nuit.

Pour l'événement, 87 délégations étrangères, dont 22 chefs d'État et de gouvernement, parmi lesquels le président zimbabwéen Robert Mugabe, banni de l'Union européenne, et des représentants de cinq familles royales avaient fait le voyage. La présence du Premier ministre français François Fillon et du président de la Commission européenne José Manuel Barroso à cette cérémonie religieuse a été critiquée par les défenseurs de la laïcité.