L'Allemagne a décidé lundi d'arrêter ses derniers réacteurs en 2022, devenant la première grande puissance industrielle à renoncer à l'énergie nucléaire depuis la catastrophe de Fukushima.

«Après de longues consultations, la coalition s'est mise d'accord pour mettre un terme au recours à l'énergie nucléaire», a annoncé à la presse le ministre de l'Environnement, Norbert Röttgen, après sept heures de négociations nocturnes dans les bureaux de la chancelière Angela Merkel.

D'ici à 2021, quatorze des 17 réacteurs allemands seront mis hors service. Les trois plus récents continueront de fonctionner jusqu'à la fin 2022.

Les sept plus anciens réacteurs du parc allemand avaient déjà été déconnectés du réseau de production d'électricité, dans l'attente du résultat d'un audit commandé mi-mars par Mme Merkel.

Ces sept sites, ainsi qu'un huitième, sujet à des pannes à répétition, ne seront plus réactivés, a ajouté le ministre. Un réacteur devrait toutefois être maintenu «en veille» et réactivé en cas de pic de demande, pour éviter que l'Allemagne ne se retrouve plongée dans l'obscurité cet hiver.

Le gouvernement devra formaliser sa décision le 6 juin.

L'Italie, pays membre du groupe des pays les plus industrialisés du G8, a abandonné le nucléaire civil en 2007 par référendum, après la catastrophe de Tchernobyl.

La semaine dernière, la Suisse s'est aussi engagée dans l'abandon du nucléaire d'ici à 2034.

L'Allemagne devra trouver d'ici à la fin 2022 comment produire 22% de ses besoins en électricité, actuellement couverts par ses centrales atomiques.

«Notre système (d'approvisionnement) en énergie doit être et peut être fondamentalement modifié», a insisté Mme Merkel lundi matin, s'adressant à la presse.

L'Allemagne entend accélérer la construction de centrales conventionnelles, à gaz ou au charbon, d'éoliennes en mer et de réseaux électriques, tout en réduisant de 10% sa consommation d'électricité d'ici à 2020, selon une feuille de route validée par la coalition libéraux/conservateurs qui compose le gouvernement, et dont l'AFP a eu une copie.

Berlin va également ouvrir une caisse de 500 millions d'euros (697,6 millions de dollars) destinée aux entreprises gourmandes en électricité, qui devraient voir leurs factures flamber.

Les Verts, dont la popularité atteint des sommets depuis l'accident de Fukushima, au Japon, ont insisté sur la nécessité de recourir aux énergies renouvelables, plutôt qu'aux centrales au charbon.

«Il ne s'agit pas seulement de savoir comment je sors du nucléaire, mais à quelle vitesse et avec quelle ambition j'entre dans les énergies renouvelables», a souligné la coprésidente des Verts, Claudia Roth.

Les opposants au nucléaire, qui n'ont cessé ces derniers mois de descendre dans la rue, ont annoncé leur intention de manifester à nouveau ce week-end.

La dernière manifestation a rassemblé 160 000 personnes dans 20 villes du pays.

En décrétant la fin du nucléaire civil pour 2022, Mme Merkel a opéré une véritable volte-face.

Fin 2010, elle avait fait voter, contre sa propre opinion publique, un prolongement de 12 ans en moyenne de la durée légale d'exploitation des centrales du pays, qu'un gouvernement précédent sociaux-démocrates et Verts avait décidé d'arrêter en 2002.

Mais la catastrophe à la centrale nucléaire de Fukushima en mars a marqué un tournant. Mme Merkel a alors immédiatement arrêté les centrales les plus anciennes et engagé une réflexion sur l'abandon du nucléaire civil.

Ce virage n'a toutefois pas empêché la cuisante défaite des conservateurs le 27 mars dans leur fief du Bade-Wurtemberg (sud-ouest), désormais aux mains des Verts, qui ont pris pour la première fois les rênes d'un État régional.

Le gouvernement de Mme Merkel va maintenant devoir composer avec la grogne prévisible du puissant lobby nucléaire allemand, qui n'hésite pas à brandir le spectre de gigantesques coupures d'électricité, notamment en hiver.