La nouvelle directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde va faire l'objet d'une enquête de la justice française pour «complicité de faux et de détournement de biens publics», sans impact immédiat sur son mandat mais qui entache son prestige.

Le FMI a indiqué jeudi que les États membres représentés au conseil d'administration faisaient confiance à Christine Lagarde et étaient convaincus «qu'elle pourra remplir efficacement ses devoirs de directrice générale» malgré l'ouverture de cette enquête.

La qualification de l'enquête, révélée jeudi et qui sera formellement ouverte dans les prochains jours, est cependant plus grave que le motif d'«abus d'autorité» qui était attendu après les premières conclusions du parquet.

Trois magistrats de Cour de justice de la République (CJR), seule instance habilitée en France à juger des ministres pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions, vont mener des investigations sur le rôle de Christine Lagarde dans une affaire juridico-financière liée au sulfureux homme d'affaires Bernard Tapie. Elle occupait alors le poste de ministre des Finances.

L'ouverture de cette enquête n'est «aucunement incompatible» avec ses «fonctions actuelles de directrice générale» du Fonds monétaire international (FMI), a très rapidement assuré son avocat, Yves Repiquet, convaincu que l'enquête aboutirait à «un non-lieu» pour sa cliente.

Mme Lagarde avait informé cette instance, qui l'a nommée à la tête du FMI le 28 juin et où siègent les représentants de 24 États membres, de l'éventualité d'une telle enquête.

À la tête du FMI, Christine Lagarde, 55 ans, avait succédé à son compatriote Dominique Strauss-Kahn, contraint à la démission après sa mise en cause pour tentative de viol par la justice de New York.

C'est le 10 mai que le parquet avait saisi la Cour de justice de la République. Selon lui, Christine Lagarde, lorsqu'elle était ministre des Finances, avait pu se rendre coupable d'un abus d'autorité dans le règlement d'un litige d'affaires très complexe opposant Bernard Tapie à une structure publique gérant les actifs pourris de la banque Crédit lyonnais, sauvée de la faillite dans les années 1990 par l'État français.

Pour hâter la fin de longues procédures et trancher ce vieux litige concernant la vente par le Crédit lyonnais du groupe Adidas, ancienne propriété de l'homme d'affaires, Christine Lagarde avait choisi une justice arbitrale, c'est-à-dire une justice privée.

Le jugement rendu en 2008 par cette instance a été favorable à Bernard Tapie qui doit ainsi personnellement empocher au moins de 200 millions d'euros, provenant de fonds publics.

Le parquet reproche à Mme Lagarde d'avoir recouru à cette procédure privée alors qu'il s'agissait de deniers publics, d'avoir eu connaissance de la partialité de certains juges-arbitres et de ne pas avoir exercé de recours contre la sentence arbitrale.

À l'issue de l'enquête, Christine Lagarde pourra bénéficier d'un non-lieu ou être jugée. Le délit de complicité de faux et de détournement de biens publics est passible de dix ans de prison et 150 000 euros d'amende.

«Que la commission des requêtes (de la Cour) décide ou non de poursuivre les investigations, j'ai exactement la même confiance et la même sérénité», avait-elle fait savoir en juillet.

Mais en France, l'opposition soupçonne des manoeuvres politiques en faveur de Bernard Tapie qui, après avoir été ministre dans des gouvernements socialistes, a manifesté sympathie et soutien à l'égard du président Nicolas Sarkozy.

Personnalité du monde médiatique, politique, économique et sportif, il a entamé ces dernières années une carrière de comédien, après avoir été associé à plusieurs scandales retentissants.

«Tout cela illustre la confusion des intérêts politiques, économiques et financiers qui règne au sommet de l'État depuis l'élection de Nicolas Sarkozy», a commenté jeudi Jean-Marc Ayrault, le chef de file des députés socialistes (opposition).