Les enseignants français, au bout du rouleau, entendent bien convaincre le gouvernement d'abolir la politique d'attrition qui a fait disparaître des dizaines de milliers de postes en cinq ans.

Pour attirer l'attention sur leur situation, certains recourent à des moyens spectaculaires.

Une douzaine d'entre eux ont ainsi décidé de poser dans le plus simple appareil pour un calendrier accompagnant un manifeste qui affirme: «L'école est nue.»

Les instigateurs de ce calendrier -qui se présentent comme «les dépouillés»- prennent la pose devant un tableau où est tracé un slogan à la craie: «Tout se perd, rien ne se crée, tout se dégrade», peut-on lire derrière un professeur de physique. «L'école au bout du rouleau», dit un autre slogan devant lequel pose une enseignante d'arts plastiques.

«Aujourd'hui, selon une logique comptable et technocratique à courte vue, les fondements de l'école républicaine sont menacés et l'idéal d'une éducation de qualité pour tous sapé à la base», dit le manifeste, qui a été signé en quelques jours par près de 10 000 personnes.

Les enseignants ne sont pas les seuls à se dénuder: des ouvriers d'usine dont l'emploi est menacé et des producteurs de porcs ont utilisé le même moyen récemment pour attirer l'attention. «L'effeuillage devient un outil de protestation sociale», ironise le quotidien Le Télégramme.

Ministre «choqué»

Que la mise à nu se banalise ou pas, elle a «choqué» le ministre de l'Éducation, Luc Chatel, qui défend sur toutes les tribunes les suppressions de postes imposées par le gouvernement.

«On a le droit de critiquer ma politique, je l'accepte [...] Par contre, je suis choqué que l'on puisse porter atteinte à l'image même du professeur», a-t-il dit en fin de semaine. Il a tout de même précisé qu'il n'y aurait pas de sanctions.

Le collectif du calendrier -qui n'a donné aucune entrevue aux médias- a rétorqué par voie de communiqué que c'est le gouvernement qui dévalorise le travail des enseignants en sabrant les effectifs tous azimuts.

Bernadette Groison, secrétaire générale de la Fédération syndicale unitaire, l'un des principaux syndicats du secteur, estime que ce calendrier est l'expression «du grand malaise» qui règne dans l'Éducation nationale: «Quand on arrive à ce type d'initiative, c'est le signe que le dialogue social ne fonctionne pas.»

Les suppressions de poste, résume-t-elle, ont eu pour effet de freiner la scolarisation en bas âge, d'augmenter le nombre d'élèves dans les classes et d'épuiser les banques de suppléants qualifiés, si bien que nombre d'établissements doivent annuler des cours lorsque les enseignants se déclarent absents à la dernière minute.

Promesses socialistes

La question des coupes figure en bonne place dans le programme des possibles candidats socialistes à l'élection présidentielle de 2012. Le favori, François Hollande, a créé la surprise récemment en annonçant qu'il souhaitait recréer plus de 60 000 postes en cinq ans dans le réseau éducatif s'il est élu.

Le gouvernement, qui a mis de l'avant un plan d'austérité de 12 milliards d'euros (16,4 milliards de dollars) pour tenter de rassurer les marchés financiers, affirme que cette promesse est irresponsable.

Les suppressions de postes et leur impact sur leurs conditions de travail ne sont pas les seuls soucis des enseignants, qui doivent également composer avec la stagnation de leur rémunération.

Selon une étude produite récemment par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les enseignants français sont pratiquement les seuls qui n'ont pas reçu d'augmentation réelle depuis le début des années 90.