Extorsions, pots-de-vin et usage de faux: la mort d'un directeur d'école moscovite en détention provisoire pour corruption a mis en évidence les plaies du système éducatif russe miné par le manque de moyens et une corruption galopante.

Samedi dernier, le directeur de l'école 1308 de Moscou, Andreï Koudoïarov, 48 ans, est décédé d'un infarctus dans la prison où il était détenu depuis mai après avoir été accusé de faire payer 240 000 roubles (5 600 euros) l'admission dans son établissement, d'un niveau supérieur à la moyenne de la capitale.

Quelques semaines auparavant, le directeur d'une autre école publique située dans la même rue, Konstantin Petrov, son adjointe et une professeure, ont pris la fuite après l'ouverture d'une enquête accusant M. Petrov d'avoir détourné 28 millions de roubles (650 000 euros).

Pour être admis dans son école, théoriquement gratuite comme toute école publique, M. Petrov faisait payer 150 000 roubles par élève (3 500 euros). En outre, il recevait chaque mois quelque 10 millions de roubles (232 000 euros) versés par des parents souhaitant garder leurs enfants dans cet établissement doté d'infrastructures sportives performantes.

Fin mars, un autre directeur d'école a été condamné à Moscou à 100 000 roubles d'amende (2400 euros) pour avoir extorqué de l'argent aux parents souhaitant inscrire leurs enfants dans son établissement.

La directrice d'un lycée moscovite, Tatiana Mikhaïlova, accusée d'avoir exigé un versement mensuel de ses parents d'élèves, doit bientôt passer en procès.

De la garderie d'enfants à l'université, le marché annuel des pots-de-vin brasse quelque 5,5 milliards de dollars en Russie, selon un récent rapport du ministère de l'Intérieur consacré à la corruption dans le système éducatif.

En novembre dernier, le premier ministre russe Vladimir Poutine a rappelé que «l'État doit se charger de la totalité» du coût de l'enseignement. Une déclaration insuffisante pour mettre fin à la pratique très largement répandue des «contributions volontaires» imposées aux parents d'élèves à la recherche d'un établissement de qualité.

Les parents sont souvent sollicités pour l'acquisition d'un nouvel équipement, l'achat de nourriture ou le paiement de travaux dans l'établissement.

«Tous sont convaincus qu'il faut payer pour assurer un bon enseignement», constatait mardi le quotidien populaire Komsomolskaïa Pravda.

En fait, ces «contributions volontaires» constituent la plupart du temps un supplément de salaires pour les enseignants mal payés par l'État, souligne le professeur de l'École supérieure de l'Economie Mark Levine.

Le très faible salaire des enseignants (200 euros mensuels en moyenne) et le nombre restreint d'établissements publics performants constituent un problème de fond qui expliquent l'ampleur de la corruption.

Nombre de parents préfèrent malgré tout les écoles publiques, les établissements privés étant souvent critiqués en Russie pour leur complaisance à l'égard des élèves.

La corruption concerne également le nouveau système d'examen national de fin d'études secondaires, obligatoire pour l'entrée à l'université.

L'an dernier, 70 enseignants ont été pris en flagrant délit dans la région de Rostov-sur-le-Don alors qu'ils remplissaient la copie de leurs élèves. Chacun avait été payé 40 000 roubles (1 000 euros).

Dans d'autres cas, les élèves achètent directement leur diplôme de fin d'études au jury.

L'enseignement gratuit coûte cher: les parents russes dépensent de 8 000 à 40 000 roubles par an (de 200 à 1 000 euros), selon les régions, pour l'éducation de leurs enfants, selon l'Institut du développement de l'éducation, un organisme universitaire.