Mario Monti a été officiellement nommé premier ministre de l'Italie dimanche soir et il a aussitôt lancé un appel à «un effort collectif» de la part de tous les Italiens pour que le pays réussisse à vaincre la crise économique auquel il est confronté.

Après une longue journée de consultations, au cours de laquelle il a dû rencontrer les 19 représentants des différents partis du gouvernement, le président italien Giorgio Napolitano a confirmé la nomination de Mario Monti comme nouveau premier ministre du pays.

M. Monti devra former un nouveau gouvernement de coalition au cours des prochains jours. Il a reçu l'appui du Parti démocratique (gauche) à la condition que le prochain conseil des ministres soit résolument technique et totalement différent du dernier gouvernement Berlusconi.

Économiste, universitaire, ex-commissaire à l'Union européenne, Mario Monti est âgé de 68 ans. Dans son discours de nomination, il a déclaré dimanche soir que la crise de la dette italienne pouvait être gagnée si les Italiens y allaient d'un effort collectif pour permettre à l'Italie de redevenir un maillon fort de l'Union européenne, dont il est l'un des pays-fondateurs.

L'Union européenne a d'ailleurs salué la nomination de M. Monti tout en précisant qu'elle allait suivre à la trace le programme d'austérité économique qui a été adopté par le Parlement samedi.

La célébration de la fin de la honte

C'était aussi soir de liesse samedi à Rome, du moins en face du Pallazo Grazioli, la résidence privée de Silvio Berlusconi, qui a été prise d'assaut par plusieurs milliers de Romains trop heureux que le Cavaliere lâche enfin la bride en démissionnant officiellement du gouvernement italien.

La séquence d'événements prévue devant mener à la démission officielle de Silvio Berlusconi avait été scrupuleusement observée.

Après la ratification par le Sénat, vendredi soir, du plan d'austérité qu'avait déposé en septembre dernier le gouvernement italien,  la Chambre des députés s'est aussi prononcée en faveur du programme de discipline budgétaire, samedi après-midi, avec une imposante majorité de 380 votes favorables contre seulement 26 opposants.

En soirée, à 21h30 plus précisément, Silvio Berlusconi s'est présenté à la résidence du président Napolitano où il a officiellement signé sa lettre de démission, à  22h07.

Plus de 300 manifestants étaient sur place pour souligner bruyamment leur immense contentement face à cette reddition totale et sans équivoque de celui qu'ils considéraient leur ennemi.

Cette meute de fêtards s'est rapidement déplacée vers l'opulente résidence de Berlusconi, Pallazo Grazioli, en attirant au passage de nouveaux jubilatoires qui ont forcé la fermeture de la Via del Plebiscito par la police.

Une fête ciblée

J'arrivais tout juste de Bologne, vers 22 heures, lorsque mon chauffeur de taxi qui m'a pris à la gare Termini a vivement réagi lorsque je lui ai fais remarquer que Rome était bien tranquille pour un samedi soir.

«C'est le chaos au centre. La démission de Berlusconi fait des vagues», me répond-il en me laissant devant l'édifice du Parlement, après que l'on soit passé devant la résidence de Berlusconi, totalement assourdie par un  concert incessant de klaxons.

Devant le parlement, un régisseur italien, à l'emploi d'une chaîne d'information continue d'Australie, me dit, solennellement : «C'est un moment historique, comparable à l'exécution de Mussolini, de Khadafi ou de Saddam Hussein. C'est le printemps arabe italien.»

Je comprends dès lors que la démesure émotionnelle est à portée de main.

En me rendant à pied au Pallazo Grazioli, je constate que l'enthousiasme militant grossit à chaque pas. Rendu Via del Plebiscito, je vois bien que l'événement est «historique». La rue est bloquée, la police afflue au même rythme que les fêtards.

Ces derniers sont plus d'un millier - et leur nombre gonflera durant les heures suivantes - à former une foule bon enfant qui fait sauter les bouchons de champagne, la bière coule à flots, quelques drapeaux italiens flottent au-dessus des têtes. Et les slogans.

«La mafia dehors du gouvernement», scande joyeusement la foule. «Cochon, cochon», reprend-on unanimement, avant d'enchaîner avec «Fils de pute». «Mafioso, mafioso», revient comme un mantra.

«Je suis ici pour lui dire ce qu'il n'a jamais voulu entendre pendant 17 ans», m'explique Maura qui est venue avec sa soeur jumelle Manuela.

L'émotion collective

Soudainement, la foule entonne l'hymne national italien. Impossible de poser une question. Tout le monde chante fièrement et en prononçant très distinctement chacune des syllabes du thème patriotique. Un moment émouvant.

«On se libère. Berlusconi a été un conflit d'intérêt permanent pour la nation», confie Aldo, un salarié de la chaîne de télévision TV2.

«L'Italie va mieux se porter et mon employeur aussi. TV2 devait  concurrencer la chaîne de Berlusconi qui faisait tout en son pouvoir pour nous écraser. Toute l'Italie va mieux respirer», confesse-t-il.

Les fêtards de la Via del Plebiscito ne forment pas un groupe homogène. Des jeunes, des vieux, des ouvriers, des mieux nantis grossissent à chaque instant le party qui a résolument pris forme.

Une dame de plus de 60 ans, grosse bière à la main, me porte un toast et me dit gentiment: «No more Bunga, Bunga», en faisant référence aux fêtes privées, assaisonnées de jeunes prostituées, qu'affectionnait particulièrement Silvio Berlusconi.

«Il nous a fait honte. L'Italie en avait raz-le-bol de Berlusconi», me dit un avocat dans la cinquantaine, visiblement financièrement très à l'aise et accompagné de sa femme, très distinguée mais avec les yeux rayonnants d'une adolescente. «Il fallait que je vienne», m'explique-t-il sans me donner plus de raisons.

Mais cette fête était circonscrite Via del Plebiscito. Dès que l'on quitte l'endroit, Rome redevient la Rome cahotique habituelle. Personne ne célèbre, il n'y a pas de débordement.

Ailleurs dans les autres rues et cafés qui mènent à mon hôtel c'est la vie habituelle, imparfaite mais sans coupable.

Sauf qu'au  moment d'écrire ces lignes, à 1h30 du matin, dans le quartier très romain de TrasTevere, j'entends de ma fenêtre ouverte, des gens dans un restaurant chanter très fièrement l'hymne national de l'Italie.