La droite a remporté dimanche, sans surprise, la majorité absolue aux élections législatives en Espagne, portée au pouvoir par un pays inquiet et sans illusions, qui a choisi de sanctionner le gouvernement socialiste, mais se prépare à une nouvelle cure de rigueur.

Le Parti populaire mené par Mariano Rajoy, 56 ans, qui devrait diriger le prochain gouvernement, gagnerait 181 à 185 sièges tandis que le Parti socialiste (PSOE), au pouvoir depuis 2004, n'en aurait que 115 à 119, selon un sondage publié à la clôture des bureaux de vote.

Les socialistes espagnols, au pouvoir depuis 2004, deviennent ainsi les nouvelle victimes d'une crise qui a déjà fait chuter les gouvernements grec et italien.

«Demain commencera une nouvelle étape au cours de laquelle notre seul objectif sera de vaincre la crise et le chômage», a assuré Ana Mato, chef de la campagne du PP.

La crise économique, l'austérité et les cinq millions de chômeurs étaient justement sur toutes les lèvres dimanche.

«Il y aura des coupes, mais c'est nécessaire», réagissait Antonio Garcia, médecin de 80 ans, venu célébrer la victoire devant le siège du PP à Madrid.

Pour la première fois de sa vie, mais sans conviction, Octavio Arginano, un ouvrier madrilène à la retraite, âgé de 67 ans, a lui aussi choisi la droite.

«Mon fils est au chômage depuis plus d'un an. Ma fille ne gagne que 600 euros par mois en gardant des enfants», confiait cet électeur dans le quartier de Lavapies. «Il faut qu'il y ait un changement, mais je ne suis pas sûr que quelqu'un sache quoi faire pour nous sortir de cette situation».

La crise a entraîné une perte de confiance envers les grands partis politiques, une partie des électeurs estimant que ni la gauche ni la droite ne sera capable de remettre le pays sur les rails.

Signe de cette défiance, exprimée depuis le mois de mai par le mouvement des «indignés», la coalition écolo-communiste IU (Izquierda Unida), qui compte actuellement deux députés, en aurait 9 à 11.

Electeur du Parti populaire en 2008, Fernando Javier Alvarez Granero, instituteur de 46 ans, a lui «voté blanc pour la première fois».

«Tous les partis, de droite et de gauche, diffusent le même message». Le Parti socialiste «a créé cinq millions de chômeurs et nous a menti sur la crise économique. Et je ne pense pas que Mariano (Rajoy) puisse apporter une solution aux grands problèmes de l'Espagne».

Au total 350 députés et 208 sénateurs ont été élus pour quatre ans au scrutin proportionnel.

Le Parti populaire devrait donc être en mesure de gouverner seul le pays, sans alliances avec les partis nationalistes régionaux comme c'est le cas aujourd'hui pour les socialistes.

Deux fois candidat malheureux en 2004 et 2008 face au socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, Mariano Rajoy, un homme tenace mais sans charisme, devrait être investi chef du gouvernement à partir du 20 décembre, une semaine au moins après l'installation des deux chambres du Parlement le 13.

Surfant sur le mécontentement et la lassitude des électeurs, il n'a cette fois laissé aucune chance à son adversaire socialiste Alfredo Perez Rubalcaba, 60 ans, ancien ministre de l'Intérieur.

Sous la très forte pression des marchés financiers, le nouveau chef du gouvernement devra maintenant agir vite pour tenter de redresser l'économie espagnole, quatrième de la zone euro, menacée de récession et asphyxiée par un chômage record de 21,52%.

Avec ce vote «s'achèvera un processus non écrit ni planifié de remplacement de tous les gouvernements des économies européennes considérées comme périphériques : la Grèce, l'Irlande, le Portugal, l'Italie, en plus de l'Espagne», avaient prédit les analystes de Bankinter.

Mais les nouvelles mesures de rigueur qui se profilent pourraient attiser la grogne sociale qui s'est emparée du pays.

Arrivés au pouvoir en plein miracle économique, alors que la croissance espagnole était portée par le boom de l'immobilier, les socialistes n'auront pas résisté à la crise financière mondiale qui a éclaté à l'automne 2008.

Depuis mai 2010, les Espagnols sont soumis à une politique d'austérité - baisse de 5% du salaire des fonctionnaires, gel des retraites ou recul de l'âge de la retraite de 65 à 67 ans.

Vaincu par la crise, le chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, s'était finalement résigné à avancer de quatre mois les élections prévues en mars 2012.

Photo: AFP

Mariano Rajoy