La Belgique a fini sous la pression extérieure par surmonter une crise d'une durée record, sans régler pour autant les problèmes de fond entre francophones et néerlandophones, ainsi que le montre la progression continue des indépendantistes flamands dans les sondages.

En milieu d'après-midi, le nouveau Premier ministre, le socialiste Elio Di Rupo, 60 ans, qui portait son emblématique noeud papillon, a juré «fidélité au roi, obéissance à la Constitution et aux lois du Peuple belge» dans les trois langues nationales, le français, le néerlandais et l'allemand, devant le roi Albert II.

Il a été suivi par les douze ministres et six secrétaires d'État de son gouvernement, qui entre ainsi officiellement en fonction. Le roi Albert, souriant et détendu, s'est attardé quelques instants auprès de chaque nouveau ministre.

Cette entrée en fonction, 541 jours après les élections législatives du 13 juillet 2010, a réjoui le souverain belge, qui s'était dit en juillet «affligé par la plus longue durée, de mémoire d'homme, de formation d'un gouvernement». Un triste record mondial ravi par la Belgique à l'Irak.

Pour autant, l'arrivée du premier chef de gouvernement socialiste et francophone depuis 38 ans, due en grande partie aux pressions des marchés financiers et de l'Union européenne, ne soulève qu'un enthousiasme modéré dans le pays.

Cela s'explique tout d'abord par la durée même de la crise, dont les multiples épisodes -démissions en chaîne des personnalités chargées de former le gouvernement, querelles byzantines sur la réforme des institutions du royaume, tractations d'apothicaires sur les postes ministériels- ont lassé la population, confrontée comme partout en Europe à des difficultés économiques croissantes et inquiète des coupes dans les dépenses et des nouvelles taxes annoncées.

«Un air de déjà vu»

Le nouveau gouvernement est aussi censé donner un nouveau souffle alors qu'il est la copie quasi-identique de l'équipe sortante d'Yves Leterme qui a géré les affaires courantes depuis avril 2010.

Seule différence notable, les socialistes flamands rejoignent dans la coalition les socialistes francophones et les libéraux et démocrates-chrétiens, tant flamands que francophones. Les Verts et les nationalistes flamands restent dans l'opposition.

Si Yves Leterme se rendra dès jeudi à Paris, pour y prendre ses fonctions de secrétaire général adjoint de l'OCDE, les autres principales figures de son gouvernement restent aux commandes, parfois avec des changements de portefeuilles.

Le libéral francophone Didier Reynders, inamovible ministre des Finances depuis 1999, passe aux Affaires étrangères, tandis que le chef de la diplomatie, le chrétien-démocrate flamand Steven Vanackere, aura la difficile tâche de remettre les finances du royaume sur les rails en appliquant une politique d'austérité sans précédent.

Une équipe expérimentée, qui devra surmonter de nombreux défis et reste sous la menace de tensions entre les partis flamands et francophones, qui pourraient ressurgir rapidement, notamment lors de la mise en oeuvre de la grande réforme institutionnelle prévue par l'accord de gouvernement.

Principale force politique en Flandre, le parti indépendantiste N-VA, juge largement insuffisantes les nouvelles compétences qui devraient être transférées aux régions.

Confortée par des sondages qui lui donnent entre 35 et 40% des intentions de vote côté néerlandophone, la formation de Bart De Wever s'apprête à mener la vie dure aux partis flamands de la coalition.

La nette fracture gauche-droite, au sein même de la coalition, est aussi source de frictions, alors que des économies de plus de 11 milliards d'euros (14,7 milliards de dollars) sont inscrites au budget 2012 et que les syndicats menacent le gouvernement de grèves générales.