L'Union européenne (UE) entend renforcer dans les prochains jours ses contrôles à l'exportation afin d'éviter que des produits pharmaceutiques fabriqués sur son territoire ne servent à l'exécution de détenus aux États-Unis.

Un porte-parole de la diplomate en chef européenne, Catherine Ashton, a expliqué cette semaine que les ingrédients du cocktail létal utilisé par plusieurs États américains pour la mise à mort de condamnés ne pourraient être exportés sans autorisation préalable.

«C'est en réponse aux demandes formulées par la société civile et plusieurs élus européens», a déclaré Sébastien Brabant, en rappelant que l'Union européenne multiplie depuis longtemps les actions diplomatiques contre la peine de mort.

L'organisation anglaise Reprieve, qui défend les droits des prisonniers, a lancé l'année dernière une importante campagne de sensibilisation pour éviter que des firmes n'acceptent de fournir des produits susceptibles de servir aux exécutions décidées par les tribunaux.

Pénurie aux États-Unis

Ses dirigeants dénoncent le fait que plusieurs États américains cherchent depuis des mois à trouver à l'étranger l'un des ingrédients du cocktail létal requis, le sodium thiopental, qui n'est plus fabriqué en sol américain.

Le seul producteur local a annoncé en janvier qu'il se retirait de ce marché, créant une pénurie qui a entraîné le report de plusieurs exécutions.

«Certains États semblent désespérés d'en trouver», commente un porte-parole de Reprieve, Donald Campbell, qui salue la volonté de l'UE de renforcer la réglementation en vigueur.

Il y a quelques semaines, l'organisation a avisé une firme suisse, Naari, qu'une partie de sa production de thiopental sodique avait été finalement achetée par les services correctionnels du Nebraska en vue de permettre la reprise des exécutions.

Un revendeur basé en Inde qui devait acheminer le produit vers la Zambie à des fins médicales a décidé de l'écouler aux États-Unis.

Le PDG de l'entreprise, Prithi Kochhar, choqué, a écrit à la Cour suprême du Nebraska et au procureur général de l'État pour demander que sa production lui soit restituée. «Nous ne sommes pas en affaires pour faciliter l'exécution d'individus. On nous a menti et trompés», a expliqué un porte-parole.

Les autorités du Nebraska affirment de leur côté que le produit a été acquis légalement et peut être utilisé pour la reprise des exécutions.

Des revendeurs

D'autres firmes établies en Europe ont déjà été mises à profit à pareille fin. L'American Civil Liberties Union a notamment révélé cette année qu'une dizaine d'États américains appliquant la peine de mort avaient acquis le produit convoité par l'entremise d'un revendeur de Londres. Le gouvernement britannique a ensuite légiféré pour éviter les exportations vers les pays appliquant la peine de mort.

Le Danemark a exercé des pressions diplomatiques sur les États-Unis après qu'il eut été révélé que d'autres États avaient obtenu un produit équivalent d'une firme danoise, toujours pour l'application de la peine de mort.

Selon l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, le secrétaire au Commerce américain a demandé l'été dernier au vice-chancelier allemand, Philipp Röster, d'aider les États américains dans leurs recherches.

L'Allemagne refuse

«J'ai pris note de la requête et je l'ai rejetée», a déclaré le politicien allemand, qui appuie les démarches de l'UE visant à renforcer la réglementation freinant les exportations.

Selon Reprieve, beaucoup de gens considèrent à tort que la mort par injection létale est «la méthode la plus humaine pour tuer une personne».

«Les rares personnes qui ont regardé derrière le rideau du bourreau savent que c'est faux. C'est en fait une pratique extrêmement dangereuse et le risque de torture est élevé», relève l'organisation, en évoquant des études démontrant que certains condamnés sont morts dans des souffrances atroces en raison de l'inefficacité de l'anesthésiant utilisé ou d'erreurs de dosage.