La Ville de Paris a lancé en grande pompe il y a deux semaines, avec le groupe industriel Bolloré, les premières voitures en libre-service d'Autolib. Ne reste plus qu'à attendre de voir si ce service novateur trouvera son public.

François Lazaro, rencontré récemment, se tournait les pouces dans un des petits habitacles aménagés près du métro Bastille pour venir en aide aux personnes tentées par les petites voitures grises stationnées le long de la place.

Seul un des quatre véhicules mis à disposition à cet endroit avait trouvé preneur à l'arrivée de La Presse, en pleine heure de pointe. L'enthousiasme est néanmoins au rendez-vous, assure M. Lazaro, qui assiste les usagers potentiels dans les démarches d'enregistrement requises pour pouvoir prendre le volant.

«Beaucoup de gens qui ne conduisaient plus me disent qu'ils vont pouvoir reconduire grâce à Autolib! Plusieurs personnes ont une voiture, mais ne la sortent jamais en raison des problèmes de stationnement et de circulation», a souligné le jeune homme.

L'employé d'Autolib a aussi rencontré des Parisiens qui envisagent désormais de se départir de leur voiture personnelle. Et d'autres qui entendent délaisser à l'occasion le Vélib pour leurs déplacements lors des mauvaises journées d'hiver.

Ce n'est pas le cas de Julien Krieg, un habitué du populaire système de vélo en libre-service, qui n'est pas intéressé par Autolib. «Lorsque j'ai besoin d'une voiture, j'emprunte celle de mes parents», relate le jeune homme de 25 ans.

Alain Jourdain, un retraité de 64 ans croisé à Bastille, pense que le système est promis à un bel avenir. «Si on peut éviter d'avoir une voiture à nous à Paris, c'est mieux», indique ce résidant de Melun, dans la banlieue parisienne, qui vient toujours en train dans la capitale.

Les promoteurs d'Autolib, qui prévoient augmenter graduellement le nombre de véhicules en disponibilité de 250 à 3000, sont convaincus que l'initiative sera plébiscitée par la population.

Environ 2500 personnes se sont déjà abonnées, selon le directeur général du projet, Morad Chibout. Celui-ci estime qu'il faudra 80 000 abonnés pour assurer la rentabilité du système.

Le caractère inusité du projet explique que les experts se montrent prudents sur ses chances de réussite. «C'est un risque que prend la collectivité. On ne sait pas si ça va fonctionner», estime Léa Marzloff, consultante en nouvelles mobilités au groupe Chronos.

Les écolos sceptiques

Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, est convaincu qu'il y a aura à terme grâce à Autolib «moins de voitures stationnées, moins d'embouteillages et moins de pollution». L'adjoint écologiste au maire, Denis Baupin, doute pour sa part de «son impact écologique et de son équilibre économique».

Plusieurs organisations écologiques voient dans Autolib une «supercherie» qui aura des effets négatifs sur l'environnement et défendent plutôt les formules existantes de covoiturage ou d'autopartage.

Les Amis de la Terre relèvent, dans un communiqué, que l'initiative ne répond pas «à la nécessaire remise en cause des déplacements en voiture au profit des transports en commun, du vélo et de la marche» et favorise le développement d'une «filiale industrielle de voitures électriques» qui sera très énergivore.

Les plus critiques affirment que le projet n'est en fait qu'une «publicité grandeur nature» pour le groupe Bolloré, qui chercherait ainsi à mettre en valeur une pile novatrice au lithium dont la production est d'ailleurs assurée en partie au Québec.

Qu'il s'avère positif ou non pour l'environnement et la circulation, le nouveau système expérimenté à Paris rejoint les préoccupations des Français. Ceux-ci voient en effet de moins en moins la voiture personnelle comme un «mode de transport d'avenir», note Mme Marzloff.