Un nom est sur toutes les lèvres ces jours-ci en Angleterre: Margaret Thatcher. Satire pour les uns, propagande conservatrice pour les autres, le film The Iron Lady, mettant en vedette Meryl Streep, confirme la lente réhabilitation d'un personnage politique longtemps controversé. Mais le débat sur son héritage fait toujours rage.

Le film The Iron Lady met en scène la Margaret Thatcher d'aujourd'hui: frêle, amnésique et hantée par les souvenirs de sa carrière politique. Plus «Dame de rouille» que de fer, ont ironisé des journalistes qui l'ont connue. Le portrait cru et sans ambages de la dame de 86 ans, qui s'enfonce dans la démence sénile depuis cinq ans, frise le sacrilège aux yeux de ses proches et même du premier ministre David Cameron.

«Elle n'a jamais été la femme à moitié hystérique et hyperémotive interprétée par Meryl Streep», s'est emporté Norman Tebbit, son ancien ministre. Une critique partagée par d'autres amis de Margaret Thatcher, dont le règne à Downing Street, de 1979 à 1990, a été marqué par les grèves des mineurs, la guerre froide et les attentats terroristes de l'IRA.

La famille de l'ancienne première ministre a levé le nez sur l'invitation à la première londonienne mercredi dernier. La sortie du film de son vivant froisse les susceptibilités.

«Je me demande pourquoi on a choisi de porter sa vie à l'écran maintenant, a souligné David Cameron cette semaine à la BBC. Le film se concentre davantage sur le vieil âge et la démence sénile que sur une formidable première ministre.»

La dernière apparition publique de Lady Thatcher remonte à juin 2010, devant les marches de Downing Street. Toute menue à côté de Cameron, elle s'était agrippée au bras de son héritier conservateur avant de saluer les journalistes.

Réhabilitation

Figure controversée pour sa victoire sur les syndicats et pour ses coupes dans les dépenses publiques, Margaret Thatcher, fille d'un épicier qui a fracassé les barrières sociales dans son ascension au pouvoir, connaît un regain de popularité.

En novembre dernier, elle a été sacrée plus grande dirigeante britannique depuis 1945 selon un sondage de la firme YouGov, devant Winston Churchill.

Dans un récent discours, David Cameron, qui a tenté de se distancier du «thatchérisme» à ses débuts comme chef des conservateurs, a encensé Thatcher et sa politique d'accès à la propriété pour les assistés sociaux.

Enfants de Thatcher

Ses détracteurs, toujours nombreux, s'alarment des funérailles d'État qu'on lui prépare. Seul Winston Churchill a été honoré de la sorte au siècle dernier.

«Thatcher est toujours honnie pour son héritage politique: les inégalités rampantes, l'avarice, les privatisations et l'effondrement social», a rappelé le chroniqueur vedette du Guardian, Seumas Milne, qui prédit des manifestations en cas de funérailles d'État.

L'hostilité que suscite toujours la Dame de fer étonne le politologue David Jarvis. «Il est rare pour les politiciens vieillissants de diviser autant l'opinion publique, dit le professeur de l'université de Cambridge. Cela démontre son influence durable sur la société britannique.»

Margaret Thatcher avait habilement prédit les difficultés de l'euro. Elle s'était également faite la championne du secteur des finances qu'elle avait déréglementé. Une stratégie également épousée par ses successeurs. Résultat, l'économie vacillante britannique est aujourd'hui à la merci de la toute puissante City.

L'ancien bras droit de Tony Blair, le travailliste Peter Mandelson, avait vu juste en affirmant en 2002: «Nous sommes tous thatchéristes maintenant.»