Les plongeurs et secouristes, qui ont accéléré mardi leurs recherches désespérées pour retrouver les disparus du naufrage du Costa Concordia, près de l'île italienne du Giglio, ont découvert cinq nouveaux cadavres, portant le bilan provisoire à onze morts.

Les corps se trouvaient à l'arrière dans la partie immergée de la poupe du navire de croisière, a précisé un porte-parole de la municipalité du Giglio.

Plus tôt dans la matinée, les garde-côtes avaient confirmé le nombre de 29 disparus, passagers et membres d'équipage, dont quatorze Allemands, six Italiens, quatre Français, deux Américains, un Hongrois, un Péruvien et un Indien. Une soixantaine de personnes ont été blessées.

Le ministère allemand des Affaires étrangères a pour sa part donné le chiffre de 12 Allemands disparus.

Trouver d'éventuels survivants dans l'épave paraît désormais improbable. Selon un spécialiste de la protection civile du Giglio, avec la température glaciale de l'eau, il est impossible de survivre très longtemps, même en étant dans une poche d'air.

Les plongeurs utilisent désormais des micros-charges explosives. «Munis de plans du navire, ils se déplacent pour mettre les charges afin d'ouvrir des passages permettant de passer plus rapidement», explique le commandant Marini.

Les scaphandriers se concentrent sur la partie immergée, à proximité des chaloupes de sauvetage, dans l'espoir de trouver des personnes qui n'auraient pas pu monter dans les embarcations en raison de la forte inclinaison du bateau, a expliqué Cosimo Nicastro, un porte-parole des garde-côtes.

Les charges qui pèsent sur le commandant de bord, Francesco Schettino, sont écrasantes. Détenu depuis samedi pour homicides multiples et abandon du navire, il a été entendu mardi par le parquet de Grosseto.

Il est décrit comme «trop exubérant et casse-cou», selon des témoignages dans les médias locaux.

L'enregistrement d'une de ses conversations avec la capitainerie du port au moment de la catastrophe est accablant. D'un ton faible et hésitant, il fait d'abord croire à son interlocuteur qu'il est à bord alors qu'il a déjà quitté le navire, puis refuse de remonter.

«Remontez à bord, bordel de merde», lui intime un moment Gregorio De Falco, de la capitainerie du port de Livourne, visiblement exaspéré par les tergiversations du capitaine en pleine tragédie.

Le commandant Francesco Schettino, est accusé, après une manoeuvre hasardeuse, d'avoir minimisé l'accident, puis quitté le navire avant l'évacuation des derniers passagers.

Le commandant a également tardé à donner l'alerte et surtout ordonner l'évacuation, déclenchant selon l'enquête des garde-côtes, une «mini-mutinerie» de l'équipage qui a démarré les opérations d'évacuation sans que le commandant ait formellement décrété «l'abandon du navire».

Alors que le navire penchait et était plongé dans l'obscurité, ils ont commencé à préparer les chaloupes sans attendre les consignes de leur chef.

Enfin, le capitaine est accusé, par sa propre compagnie, d'avoir lui-même dévié la trajectoire du bateau, pour, selon de nombreux témoignages, effectuer une parade, tous phares allumés à proximité de l'île.

Placé sous surveillance spéciale, il est «accablé par les pertes humaines et fortement perturbé», a dit son avocat Me Bruno Leporatti, qui lui a rendu visite lundi. Mais il estime avoir «conservé la lucidité nécessaire» pour faire s'échouer le navire près de la rive, «sauvant la vie de nombreuses personnes». Une version contestée par les enquêteurs selon lesquels la salle des machines était inondée et le bateau ingouvernable.

Plus de 70 passagers du Costa Concordia ont adhéré à une action collective contre Costa Crociere (Costa Croisières) lancée par l'association italienne de défense des consommateurs Codacons.

En France, un avocat d'un couple français a annoncé le dépôt d'une plainte contre le groupe italien pour non-assistance à personne en danger et mise en danger de la vie d'autrui. Ses clients, Patrice et Tatiana Vecchi, ont lancé un collectif de victimes qui devrait réunir une centaine de noms.

Outre la tragédie humaine, les autorités italiennes redoutent un «désastre écologique» si le carburant -du gazole dense et lourd- contenu dans le bateau se déversait dans la mer. Le ministre de l'Environnement Corrado Clini estime le risque de marée noire «élevé».

De longues rangées de bouées jaunes flottaient mardi autour de l'épave au milieu d'un va-et-vient incessant d'embarcations entre le port et le navire.

La France a proposé à l'Italie son expertise pour faire face au risque de marée noire.

Pour le commandant Marini, «il n'y a pas de danger pour l'environnement», même s'il confirme qu'une plaque luisante sur la mer a été aperçue dont on ne connaît pas l'origine.

La société Smit Salvage, filiale du groupe de dragage et d'aménagement portuaire Royal Boskalis Westminster, a été chargée par Costa Concordia de pomper les quelque 2400 tonnes de carburant. Une vingtaine d'employés de la société sont déjà à pied d'oeuvre sur l'île du Giglio.

Le pompage du carburant devrait prendre «au moins trois semaines», a averti le directeur exécutif de Royal Boskalis.

Le ministre Clini a déclaré sur la chaîne Canale 5 avoir demandé à Costa Crociere de «fournir d'ici demain un plan de travail pour le vidage des réservoirs et d'ici dix jours un autre pour renflouer le navire».

Il a confirmé le risque que l'épave glisse vers les profondeurs. Cela peut arriver, a-t-il dit, sans abîmer les réservoirs, et le pompage serait alors possible en profondeur. Mais le vrai danger, a-t-il expliqué, est que les réservoirs se brisent.

Le scénario le plus favorable serait de colmater le plus vite possible les brèches, soulever le bateau jusqu'à ce qu'il soit à flot, puis le tirer avec des remorqueurs. «Mais à l'heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de dire si cette option est praticable», a-t-il dit.

Le Concordia qui transportait 4229 personnes -quelque 3200 touristes et un millier de membres d'équipage- a fait naufrage vendredi soir après avoir heurté un rocher près de l'île du Giglio, en Toscane (centre ouest).

Le gouvernement entend décréter l'état de catastrophe naturelle sur la zone pour mobiliser un maximum de ressources financières et humaines afin d'éviter une pollution du parc naturel entourant l'île.